mardi 26 février 2019

Plateforme eNorme : Cela aurait été dommage de ne pas aller jusqu'au bout...


J’ai découvert votre projet de plateforme eNorme via un reportage diffusé sur France 2. Je trouve cette initiative tellement géniale et elle pourrait être salvatrice pour beaucoup de parents qui vivent la même situation que vous.

Je suis ravie que le financement participatif ait pu rendre votre projet possible et que les dons permettent à la plateforme de fonctionner dans de bonnes conditions. J’espère bien évidemment que cela va perdurer !! 

Attendez-vous des soutiens sur le long terme pour pérenniser votre projet ? Quel en est l’enjeu ?
Juliette, pouvez-vous nous dire comment est née cette idée de plateforme ? A quel public est-elle destinée ? Quel en est l’objectif ?

Plus qu’un idée, un besoin ! J’ai construit l’outil qui m’a manqué pendant mes huit années de parcours de maman d’enfant hors norme.
Je me suis sentie seule même si j’étais très entourée par ma famille et amis. J’ai dû quitter mon travail pour accompagner mon fils dans son développement et l’emmener le plus loin possible. J’ai été très mal conseillée en début de parcours. IL m’est insupportable de savoir que d’autres familles vont subir et galérer autant que nous. J’ai aussi besoin de trouver un sens à toutes ces difficultés, ne pas les avoir vécues pour rien.

C’est pour cela que j’ai créé ce site : mettre en relation les familles. Les parents peuvent se retrouver par handicap, maladie, zone géographique, établissement d’accueil, méthode thérapeutique, bénéficiant ainsi de l’expérience ciblée et localisée des autres parents.

L’idée est de recréer le lien social que la société a rompu.
il est destiné principalement aux familles touchées par le handicap ou la maladie de leur enfant, mais aussi par toutes personnes désireuses de les aider ou celles qui sont concernées par le handicap de près ou de loin (professionels de la santé, kiné, orthophoniste, professionnels du monde des aidants : AVS etc.)

Vous êtes la maman d’Emile, jeune garçon porteur de handicap. En tant que parent, quel a été votre parcours aux côtés d’Emile ? Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

Un parcours semé d’embûches ! Le parcours du combattant pour la moindre démarche ou inscription. Par exemple, inscrire son frère au centre de loisirs m’a pris 3 minutes, lui 9 mois ponctués de plusieurs rendez-vous, lettres, et de coups de force !

C’est très compliqué d’avoir un enfant hors norme dans une société comme la notre qui ne veut pas s’adapter. A 6 ans, nous avons tenté l’école, est nous l’avons désinscrit au bout de 4 mois. C’était trop compliqué. 

L’enseignante avait plus de 30 élèves, des doubles niveaux (MS et GS), des non-francophones. L’ASV n’était plus motivée, mal rémunérée, et pas du tout formée au handicap et aux difficultés d’Emile. Tout le monde était démuni. Même si ça reste un droit fondamental, nous n’avons pas insisté. Il est donc aujourd’hui en hôpital de jour. Je n’aime pas ce mot car cela ressemble quand même plus à une école qu’un hôpital. la scolarité se fait en interne ou l’enseignante spécialisée s’adapte à mon fils et non l’inverse ! (temps de classe, méthodes d’apprentissage adaptées...)

 
Le parcours vers le diagnostic de la maladie de nos enfants peut être une épreuve d’une violence extrême et, très souvent, les familles se retrouvent isolées et démunies, quels conseils pourriez-vous donner aux familles qui seraient dans cette situation aujourd’hui ?

Oui, je dirais que c’est la double peine pour les familles ! même triple peine après le handicap et l’exclusion de la société. L’errance de diagnostic est comme une non reconnaissance du handicap. Les démarches administratives sont plus compliquées, le cheminement aussi. 

Il est plus facile d’être dans le déni lorsqu’on a pas de diagnostic. cela peut ajouter une difficulté supplémentaire au niveau du regard des autres : il parait normal, il n’a rien (de détecté). Il est juste mal élevé. Ou c’est normal qu’il soit capricieux vue que sa mère est en total fusion avec lui et cède à tous ses caprices.

Des conseils ? S’armer de patience, écouter son ressenti intérieur. Mais surtout rester entourée de personnes qui vivent les mêmes difficultés. Se sont les familles qui m’ont le plus aidé grâce à l’information transmise, leur savoir. 
Pour l’absence de diagnostic, ce qui m’a sauvé est l’association sans diagnostic et unique (www.asdu.com). C’est une maman d’enfant avec anomalie du développement inexpliqué qui a monté cette association. Je conseille aux familles sans diagnostic de les contacter.
Les médecins avait réussi à me faire croire que c’était normal de ne pas savoir. « Emile est une enigme », une « bizarrie » de la nature. Non ! nous sommes trop nombreux dans ce cas là ! ça a été un soulagement pour moi de savoir que je n’étais pas seule.
Cette association composée de parents d’enfants hors norme m’a permis d’avancer niveau des investigations génétiques complétant ainsi des informations que les médecins ne nous avaient pas apportées. 
Malgré un suivi dans un soi disant grand centre de recherches, les médecins nous ont très mal conseillés et informés, ce sont les familles qui nous ont instruits.

Vous êtes également « militante » pour un sujet de grande envergure : l’inclusion. Vous avez d’ailleurs participé à la concertation « Ensemble pour une école inclusive », avez- vous le sentiment que les choses évoluent ? Depuis 2005, avez-vous la sensation qu’il y a eu de réels changements ?

Militante, je ne sais pas. je fais ma part disons. Je pourrais faire plus.
Je ne sais pas s’il y a eu beaucoup de changements depuis 2005. J’avoue qu’avant la naissance de mon fils, le handicap ne faisait pas partie de mes combats. J’ai le sentiment que ça bouge oui, mais je reste méfiante. il y a quand même des choses qui nous échappent.

Lors de cette concertation, j’ai été confrontée a plusieurs difficultés. La colère incessante des familles (à juste titre : La première cause de discrimination en France concerne le handicap, et cette discrimination commence à l’école). Mais la colère ne fait pas avancer. il est plus productif de la transcender.

L’autre problème est que nous avons la loi de notre côté. Ainsi malgré les textes législatifs comme la constitution de 1958, le droit européen, complété par la loi de 2005, rien n’est en place de manière effective et la situation est scandaleuse. Il est n’est pas aisé de travailler dans un contexte où tout existe sur le papier, mais pas mis en oeuvre. 

J’ai même appris que la MDPH avait pour but d’ouvrir des droits spécifiques ! Pour moi, c’était l’inverse, je la voyais comme l’ennemi à combattre pour faire respecter nos droits. (Ma MDPH a notamment refusé l’obtention d’une AVS et l’intégration de mon fils dans un dispositif ULIS). 

Ce sont aussi les mentalités qu’il faut changer. ça prendra du temps pour que nos petits extraordinaires soit acceptés en milieu ordinaire... C’est pourquoi il faut rassurer, faire de la pédagogie aussi, montrer les choses positives. Et c’est ce que j’essaie de faire sur mon site : relayer les belles initiatives des familles pour être source d’inspiration pour d’autres.

Les professionnels et/ou accompagnants d’enfants porteurs de handicap peuvent-ils accéder et participer à votre plateforme ?

Oui ! on prend tout le monde, c’est ça l’inclusion. Blague à part, oui ils viendront chercher autre choses comme conseils que les parents mais oui, ils sont bienvenus.

Votre projet a pu voir le jour grâce au financement participatif et aux dons qui affluent, de quelles autres manières peut-on être acteurs/participer pour votre plateforme ?

il y a plein de façons pour aider à cette plateforme à grandir. En parler aux personnes concernées (on connait toujours quelqu’un qui connait quelqu’un touché par le handicap). S’inscrire et faire des retours. Proposer des sujets d’articles. J’aimerai mettre en valeur les familles qui se mobilisent, qui crée des choses, des initiatives positives.

Il n’est pas évident de demander de l’aide, de solliciter des personnes pour se faire aider... Comment avez-vous fait pour avancer en dehors de votre projet ? Avez-vous trouvé de l’aide à un moment donné ? Comment passer ce « cap » ?

Le cap se fait petit à petit finalement. Après si j’avais su que ce projet allait être si compliqué, je ne l’aurai pas fait ! alors heureusement que j’étais inconsciente. Cela aurait été dommage de ne pas aller jusqu’au bout. 
Je n’ai pas l’âme d’une entrepreneure alors il m’est parfois difficile d’avancer. Je suis suis juste la maman d’un enfant qui ne rentre pas dans le moule et qui a comblé un besoin

Après ce projet m’apporte beaucoup et m’apprend beaucoup. Avec Emile, j’avais déjà appris à demander de l’aide alors finalement ce n’est pas le plus compliqué. Puis, je n’ai pas eu a demander : les gens se sont proposés de leur propre initiative. Mon réseau s’est mobilisé sur tous les plans : des dons, une amie m’a fait le logo, un membre de ma famille mon clip de présentation, une autre amie, mes flyers et affiches...
Si quelqu’un veut s’occuper des réseaux sociaux, je prends ! ;)

Propos reccueillis par Manuela SEGUINOT.



Instagram : @reseau_enorme

Twitter : @ReseauEnorme

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