mardi 26 février 2019

Laissons tomber les choses que nous ne pouvons pas changer !!!






Vous êtes illustratrice et maman d’une adolescente porteuse de handicap. Vous avez choisi le dessin et l’humour pour évoquer les situations les plus délicates, pourquoi ? 

Ce blog, www.illustrateur.paris, est la partie personnelle de mon site www.zoe-illustratrice.com qui présente mon travail d’illustratrice professionnelle. J’ai eu envie d’y raconter ma vie pour exprimer de façon plus libre des pensées que je souhaitais partager. Comme Rose et son handicap sont à l’origine de pas mal d’histoires dans mon quotidien, j’ai décidé de leur consacrer une vraie rubrique.

Dans votre blog, on peut trouver de nombreux articles écrits et illustrés avec talent !! Votre plume est unique et à une authenticité qui réchauffe les cœurs. La lecture de vos articles nous mène directement à un moment plaisir et amusant. Est-ce l’objectif de votre blog, s’amuser des situations difficiles ? 

Oui. Et prouver que la vie ne se résume pas à nos problèmes. Je suis clairement stoïcienne, c’est à dire que je travaille sur les choses que je peux changer, je laisse tomber les choses que je ne peux pas changer et j’essaye de garder assez de clairvoyance pour distinguer les deux. J’avale la pilule en souriant avec un grand verre de bon vin plutôt qu’en me lamentant sur mon sort, c’est moins pénible.

Le handicap et plus particulièrement l’inclusion est le sujet de grande envergure pourtant, de nombreuses années après la loi 2005, les difficultés semblent perdurer et le système être défaillants à bien des niveaux, qu’en pensez-vous ? 

Je pense que c’est un travail titanesque et très difficile à réaliser. Chaque handicap a la particularité d’être une norme à part entière, et je ne parle même pas des personnes non-diagnostiquées comme ma fille… La société ne peut pas s’adapter à chacune de ces normes, c’est impossible, il faut essayer de prendre en compte les caractéristiques les plus répandues pour agir sans pénaliser un autre groupe. L’inclusion se fera sur du très très long terme et avec la bonne volonté de tous les acteurs du secteur : gouvernement, professionnels mais aussi des proches qui sont souvent dans la réclamation et la plainte, sans réellement bien voir la chance que nous avons, en France, d’être pris en charge, même de façon imparfaite.

En tant que parent, comment avez-vous vécu le handicap de votre fille ? Avez-vous été accompagnée aussi bien socialement qu’administrativement ?

L’annonce du handicap et les débuts, qui sont clairement les moments les plus durs à gérer pour les parents, m’ont été facilités par le très grand professionnalisme et l’écoute très attentive de tous ceux à qui nous avons eu affaire et je tiens à les citer, pour une fois : notre pédiatre de l’époque, le docteur André, la neuropédiatre du CAMSP*, le docteur Valleur, Mireille de la crèche de la rue de la Procession, l’équipe de génétique à Necker du docteur Amiel et toute l’équipe de l’hôpital de jour Marie Abadie. Rose est en vie et en pleine forme grâce à eux et je les en remercie. Quant à l’administratif, il se résume aux formulaires de la MDPH et c’est le désert en termes d’accompagnement.
*(Centre d’action médico social précoce = le début officiel des emmerdes)
*Maison départementale des personnes handicapées

J’ai beaucoup apprécié votre article sur l’IME, la problématique des places disponibles, des prises en charges, du fonctionnement institutionnel est là encore un sujet qui suscite bien des questions. C’est un peu la loterie…  Quelle a été votre expérience ?

Effectivement, je dis souvent qu’intégrer un IME c’est encore plus dur que de faire polytechnique. Il y a une place pour 250 000 personnes, que l’on obtient au bout d’une course d’obstacles mêlant ruse, harcèlement, intimidation, course d’orientation, vitesse et recherches approfondies. J’exagère un peu, mais je suis bac+5, le père de Rose aussi et il a fallu que nous fassions aider par une assistante sociale pour pénétrer le monde mystérieux du médico-social, ce qui n’est pas normal. Même au CRAIF*, où j’ai été très mal reçue, il n’y avait aucune info sur les structures d’accueil possibles pour ma fille.
*Centre de ressources autisme île de France

On recense souvent des témoignages de familles la solitude dans laquelle ils se retrouvent face au handicap et tout ce qui en découle. Vous semblez avoir trouvé pour moyen d’expression l’écriture et le dessin. Est-ce pour vous « décharger » de tout ce que vous inflige la vie et pour livrer vos propres opinions sur des sujets sociétaux importants ?

Oui, et aussi pour partager mon expérience et montrer au plus grand nombre la vraie vie avec une personne handicapée : des hauts, des bas, des échecs, des progrès… comme tout le monde quoi. Plus on communique sur ce que nous vivons, moins le tabou et les idées reçues continueront à circuler. C’est un moyen de susciter l’empathie sans la pitié et d’inclure nos enfants dans la société.

J’ai le sentiment qu’il n’est pas évident pour tous, de trouver une « issue », un « échappatoire », un moyen d’expression permettant de vider ce que l’on a sur le cœur. Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes qui recherchent une manière de se libérer ? 

il faut parler, échanger, communiquer ; comme je le raconte dans le groupe de parole il faut prendre le temps de se réunir et de libérer la parole malgré nos emplois du temps surchargés. Il commence à y avoir des initiatives très intéressantes comme la plateforme Enorme qui met les parents d’enfants handicapés en relation. C’est très important d’avoir des réponses à nos questions, des réponses d’autres parents qui parlent « vrai » sans la langue de bois médicale ou sociale. Rester isolé c’est rester seul avec ses angoisses, ses questions et ses galères.



Vous avez écrit un livre « Métro, Boulot, Gogo », quel a été le déclic de l’écriture de cet ouvrage ? A quel public est-il destiné ? Quel message avez-vous voulu faire passer en l’écrivant ? 

Ce livre est un recueil des articles de mon blog ; il a été auto-édité grâce à un financement participatif et il s’adresse à tout le monde ! Les enfants l’apprécient particulièrement, ce qui m’amuse car ils n’étaient pas ma cible a priori. Son but est de dédramatiser le handicap par l’humour. Rire de mes déboires avec Rose est un moyen pour n’importe qui de s’identifier à ma vie et pour moi de sortir de l’isolement où me cantonne le handicap par nature ; de plus,  la problématique du handicap n’est qu’une rubrique parmi les trois dont traite mon livre (les deux autres sont le travail et Paris, où je vis) car la vie ne se résume pas au handicap ni à la parentalité. Après avoir lu mon livre, on se rend compte qu’on a tous un peu la même vie finalement, faite de joie, de stress, de travail, d’enfants pénibles, de grandes joies, de vacances ratées ou inoubliables. Tout ceci est rendu possible par l’humour et le recul que l’on prend sur la vie, j’essaye d’en faire une philosophie.
Le livre est disponible sur www.illustrateur.paris/livre







                                                                              Propos reccueillis par Manuela SEGUINOT


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