vendredi 29 mars 2019

REBONDIR : des parcours de vie qui déroutent…




J’ai eu la chance de participer à la soirée débats organisée par Libération hier, Jeudi 28 Mars 2019, intitulé « REBONDIR » aux côtés de Juliette Lacronique, fondatrice de la plateforme eNorme et de Christophe Axel, fondateur du Pôle SAP (Aux côtés des aidants familiaux, service à la personne).

Pourquoi « REBONDIR » ? Parce que le fil rouge de cette soirée était de croiser les regards et les expériences de vie suite à des épreuves douloureuses telles que la maladie, les accidents ou le deuil. Tous ces cheminements mènent à un moment donné à une forme de résilience.

Mais qu’est-ce que la résilience ? La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique pour ne plus, ou ne pas, avoir à vivre dans la dépression et se reconstruire d'une façon socialement acceptable.

Vaste programme qui peut s’avérer difficile à admettre lorsque l’on se retrouve acteur, accompagnant ou encore victime d’un accident de la vie. Nul n’est à l’abri, raison pour laquelle il me semble important de se confronter à ces situations et d’échanger afin de ne pas se sentir seul pour affronter tout cela.

Nous avons eu la chance de découvrir des expériences de vie touchante et éprouvante mais tellement enrichissante humainement.

C'est Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de "Libération", qui a fait l'introduction de ce grand débat et a fait la présentation des  différents intervenants.







Tout d’abord Elisabeth Quin, journaliste sur Arte qui se livre sur la problématique qu’elle rencontre à savoir l’apparition un glaucome engendrant une diminution de la vue.
Elle nous raconte avec émotion le ressenti éprouvé lors de l’annonce du diagnostic qui s’est faite de manière lapidaire et froide. Puis, énumère les différentes phases par lesquelles elle est passée avant la résilience :

-       Le déni
-       Période où elle a embrassé la maladie
-       Le besoin d’être pris en charge, qu’on vous sauve
-       Le besoin de vouloir tout savoir sur la maladie 
-       Le besoin d’avoir plusieurs avis (3/4 médecins)
-       La saturation des informations
-       La difficulté à prendre des décisions 

Elle évoque ensuite, le fait d’avoir dû assimiler qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’avancer, d’accepter la maladie.  « C’est dans ces moments-là qu’on se rend compte qu’on a une capacité d’adaptation et de plasticité incroyable. » « Plus je suis accablée, plus je m’allège. Double mouvement à l’intérieur de moi et je vis avec cette situation absurde. » 

Elle nous signifie l’importance que représente le fait de se sentir utile, d’agir en permanence et de témoigner avec humour et autodérision pour ne pas flancher. 
Témoigner pour le dépistage et informer est primordial pour éviter ces « accidents de vie » qui bouleverse l’être humain en profondeur mais aussi rencontrer des personnes qui vivent la même situation au sein d’associations.





Vient ensuite le témoignage bouleversant d’Eglantine EMEYE, animatrice TV et maman de Sami, jeune garçon de 13 ans polyhandicapé.
Sami vit dans un centre spécialisé depuis près de 5 ans, car il était impossible pour cette maman de voir son enfant souffrir autant et se sentir impuissante : « J’ai des difficultés, je ne suis pas parfaite. J’ai compris que je ne suis pas la meilleure personne pour s’en occuper sur le plan médical mais que, j’étais une maman faite pour faire des câlins et jouer et pas pour le stimuler toute la journée. »
« J’ai accepté que ma vie ne sera pas parfaite, que la vie n’est pas quelque chose de parfait. La vie de mon fils n’est pas parfaite et les accidents font partis de la vie. »

Elle nous raconte que son quotidien pendant 8 années était de dormir 3h par nuit et de maintenir Sami afin qu’il ne s’inflige pas de coups. « Je ne pensais pas être aussi solide, combative, endurante, la fatigue laisse des traces… » 

« Dans l’épreuve le corps humain, l’être humain à des ressources insoupçonnées et j’ai eu la chance d’avoir voulu continuer à travailler, ça m’a beaucoup aidé. » 

Etant maman moi-même, il m’est vraiment difficile de me dire que nous pouvons ne pas être la bonne personne pour s’occuper de son enfant. Pourtant, avec du recul et le témoignage d’Eglantine, on se dit que le cheminement de cette maman est incroyable. Le terme de « résilience » prend alors tout son sens. 

Elle a pris une décision qui pourrait paraître inconcevable pour n’importe quel parent et pourtant, cela semble être la bonne décision pour cet enfant en souffrance.

Eglantine a pour autant besoin d’échanger avec d’autres familles qui vivent la même situation. Raison pour laquelle elle a créé une association « Un pas vers la vie », écrit un livre intitulé « Le voleur de brosses à dents » et milite activement pour le handicap.

La solitude dans laquelle elle se trouvait s’est estompée et, elle nous confie que pouvoir échanger est indispensable pour avancer : « Plein de côtés humains ressortent en moi grâce à l’association. Les échanges sont primordiaux, il faut remettre de l’humain et de l’humour dans cette situations douloureuses. »

J’ai eu de nombreux frissons tout au et long du témoignage de cette maman qui admet avec franchise et bienveillance ne pas être parfaite, ne pas pouvoir s’occuper de son enfant en permanence. 

Pourtant, par d’autres moyens que ceux d’une maman qui est auprès de son enfant quotidiennement, elle se bat pour que, Sami et beaucoup d’autres enfants puissent être pris en charge du mieux possible.





Nous rencontrons ensuite Mara GOYET, écrivaine qui nous fait le récit du combat qu’elle mène aux côtés de son papa atteint de la maladie d’Alzheimer.

Ce Monsieur est placé dans un EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour personnes Agées Dépendantes). Elle nous livre ses difficultés à accompagner son père au quotidien contrairement à sa maman et sa sœur. Pour elle, l’arrivée dans cet établissement est difficile : « On a peur de faire une découverte macabre tant que l’on n’a pas retrouvé son proche. Je ne regarde pas les autres résidents, ça m’est insupportable. Je suis consterné par mon manque de courage. »

Pourtant, Mara a écrit un livre « ça va mieux, ton père ? », l’écriture de cet ouvrage est sa manière à elle d’apporter sa pierre à l’édifice de l’accompagnement de son « Papa chéri ». D’ailleurs, elle nous livre avec émotions le retour de sa maman qui l’a remercié d’avoir eu le courage d’écrire les choses qu’elle ne voulait pas voir.

Ce témoignage est la preuve qu’il n’y a pas de recette miracle, toute faite, pour accompagner un proche. Chacun vit les choses différemment et agit en fonction de ses capacités à rebondir face à un accident de la vie.
L’important c’est d’être présent à sa manière, sans que cela soit imposé et deviennent une obligation. La notion de relation est très importante et ne doit pas être abîmée par un sacrifice.







Le témoignage suivant est celui d’Olivier BONAVENTUR, dirigeant du centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles « KERPAPE » dans le Morbihan.

Le centre accueille des personnes ayant vécu des traumatismes graves. Il nous livre avoir fait le choix de l’humain à 200% et de la rencontre au sein de son centre.

Il nous explique que les centres de rééducation sont des lieux qui font peur aux patients et à leur famille pourtant, la majorité des accidentés rebondissent et repartent avec un nouveau projet de vie.

« Des liens se tissent entre les personnes du centre, ils s’entraident et sont animés par la même conscience de vie. Ils ont une présence au monde difficile à atteindre : se reconstruire ce n’est pas que marcher ou manger à nouveau, il y a leur nouveau projet de vie (travail, prothèse, avenir…). »

« Nous avons des sexologues présents au sein du centre car c’est un accompagnement indispensable pour avancer. »

« Nous nous devons de prendre soin de la personne accidenté mais aussi de son entourage sinon, on plante le projet ! ».

« Il existe plusieurs formes de rebond : le travail, le sport, l’engagement (militantisme, associations pour la société) mais aussi, en valorisant ses propres expériences. » 

Des accidents de la route aux tentatives de suicide, ce sont des leçons de vie extraordinaires. Je trouve incroyable que tous ces parcours de vie mènent à la résilience et puissent aboutir au rebondissement nécessaire pour avancer.

Il ressort de nouveau l’importance de la relation à établir avec des personnes qui vivent la même souffrance. C’est un pas vers la résilience, l’acceptation.



                          

                           

Puis, il y a eu les regards éclairés de Boris CYRULNIK, neuropsychiatre et spécialiste de la résilience.


Différents points et/ou pistes ont été évoquées :

-       Ou bien on se soumet (= on se laisse mourir) ou bien on se rebelle (= reprendre un degré de liberté 

-       Échec ou on se remet à se préserver 


-       L’autisme : avant on cachait les enfants, ils mouraient tôt maintenant on en parle, ils meurent plus tard

-       Même quand on se remet à vivre, on garde une trace


-       L’action est un tranquillisant. L’autre vrai tranquillisant c’est la relation 

-       On a des possibilités que notre culture nous as fait oublier pour mieux aller : Culture de sédentaire 


-       Voie de suppléance, pour les personnes qui perdent la vue trouvent d’autres moyens de ressentir 

-       Faire quelque chose de sa blessure


-       Soutien, affectif et sens : bêtises, banalités, invitation à dîner... valeur plus importante 

-       Éprouver le bonheur du sursis : le locataire Polanski


-       Degré de liberté, de responsabilité : choix d’agir, engagement 


Pour conclure, c'est Stéphane Junique, président du groupe VYV, qui a clôturé cette soirée en appuyant des éléments importants évoqués tout au long du débat.

Manuela SEGUINOT

jeudi 28 mars 2019

Les "zèbres" : de l'hyperactivité à l'hypersensibilité, les sens en éveil...





A travers son livre, Anne WIDEHEM nous livre son propre parcours en tant que « Zèbre » autrement dit : « haut potentiel » diagnostiqué tardivement. Découverte faite en même temps que ses 2 enfants également « hauts potentiels ».

Dans un premier temps, on découvre tous les questionnements qu’un « zèbre » pourrait avoir, sans comprendre pourquoi. Sensation aussi difficile qu’inexplicable pour un enfant qui sent une différence notable face à ses camarades de classe. Mais aussi, situation qui pourrait très vite mener à l’exclusion ou à l’isolement.

De l’hyperactivité à l’hypersensibilité, tous les sens sont en éveil permanent et peuvent générer des situations complexes qu’ils ne maîtrisent pas. C’est donc malgré eux que les émotions se mélangent et génèrent des relations difficiles à établir.

Chacune des phases par lesquelles « un zèbre » peut passer est recensé, expliqué, illustré par un exemple concret puis, des pistes sont données pour mieux appréhender les difficultés. Des exercices simples sont proposés pour aider à surmonter les périodes difficiles.

Mettre un mot sur ce que l’on ressent est primordial pour avancer positivement et mieux gérer l’énergie qui nous envahit. Il est très difficile pour un « haut potentiel » de comprendre pourquoi leur différence est tellement significative. Cela peut engendrer un manque de confiance en soi et une estime de soi mise à rudes épreuves.

Les « zèbres » se retrouvent seuls dans ce tourbillon qui les submergent. Ils n’ont à leur porté aucun outil leur permettant de comprendre leur différence.

« Je ne suis pas un âne, je suis un zèbre » est un livre qui devrait permettre à de nombreux « zèbres » de s'identifier et comprendre pourquoi ils ressentent tant de choses. 

Il pourrait également être un outil important pour les familles ou professionnels au contact de "hauts potentiels" afin de se diriger vers un diagnostic.




Manuela SEGUINOT

lundi 25 mars 2019

Parler du handicap avec humour, vecteur de lien social




Entretien avec Vivien LAPLANE, auteur de "Sourd et Incertain

Je découvre avec admiration votre livre « Sourd et Incertain », pourriez-vous nous parler de vous en quelques lignes et nous expliquer comment en êtes-vous venu à l’écriture de cet ouvrage ?

Je suis un jeune entrepreneur de 37 ans, marié et j’ai une petite fille de 2 ans. Je suis sourd de naissance, oralisant et appareillé.
J’ai été éducateur spécialisé, directeur de camps VTT, documentaliste, animateur. Je fais du théâtre amateur depuis le lycée et j’écris beaucoup. 

Depuis 2013, j’ai composé énormément de textes sur la surdité, avec de la poésie, des témoignages, des réflexions et des nouvelles. C’est dans ce cadre-là car j’ai réuni mes meilleurs textes dans un recueil.

Pour moi, c’est un aboutissement après différents modes d’expressions que j’ai tenté tel par le théâtre et la vidéo.

A qui s’adresse cet ouvrage ? Pourquoi avoir choisi Peter Patfawl pour l’illustrer ?

Le livre s’adresse particulièrement aux entendants et à l’entourage des personnes sourdes et devenus sourdes. Mais Il peut aussi toucher par les personnes sourdes qui peuvent le transmettre à ses proches ou ses collègues. 

J’ai fait appel à Peter Patfawl car un dessinateur humoristique très sensibilisé sur le handicap, car lui-même concerné. Et j’apprécie son travail et son humour.

Nous pourrions penser que nous sommes dans un tournant très conséquent concernant un sujet de grande envergure : celui de l’inclusion. Qu’en pensez-vous ?

Qu’il y a encore du chemin à faire mais c’est assez positif malgré tout avec toutes les initiatives locales qui se créent. Maintenant, il faut que cela prenne de plus en plus d’ampleur et que le mot inclusion ne devienne pas un mot fourre-tout et pour se donner une meilleure image.

Que l’inclusion devienne automatique et banale.

Comment avez-vous vécu votre handicap jusqu’à aujourd’hui ? Avez-vous la sensation que les choses ont évolués ?

De manière générale, je le vis bien. C’est surtout certains environnements et le regard des autres qui peuvent me causer des lourdeurs.

 Les choses évoluent mais y encore du chemin à faire sur les droits de chaque personne et de son image qui ne doit pas être que centré sur son handicap.

Il n’est pas question pour moi de dire que vous êtes d’un « grand âge » (rires !), mais je suis curieuse de savoir quelles relations aviez-vous avec vos camarades de classe ? Le handicap était-il tabou ? passé sous silence ?

Avec mes camarades de classes ? Je n’en avais pas vraiment. C’était surtout sur le ton de la rigolade mais sans plus, pas vraiment de vrais liens d’amitiés.

 Le handicap n’était pas tabou mais plutôt mis à l’écart et ignoré. Je m’entendais plus avec les professeurs, l’infirmière du lycée à l’époque ou les bibliothécaires, et des pairs en dehors du milieu scolaire, comme les enfants des amis de mes parents.

Dans cette même période de scolarisation, avez-vous été suffisamment accompagné ?

Très Légèrement je dirai. Mais très bien par mon environnement familial. Je fus sans cesse soutenu par mes parents et mes frères.

Le regard sur le handicap est parfois dur et cruel, encore aujourd’hui. Vous choisissez l’humour pour l’évoquer, pourquoi avoir choisi cette alternative ?

Parce qu’en revendiquant et en râlant, on braque les gens. Passer par l’humour en abordant des choses sérieuses permet de dérider les personnes. C’est plus un vecteur de lien social, de relations plus authentiques que les revendications en peu brut.

J’ai participé à une soirée « Ensemble pour une société plus inclusive » où était convié les personnes sourdes grâce à la participation d’interprètes en Langue des Signes Française. Initiative à mon sens trop peu mise en place. Qu’en pensez-vous ? Quelle est votre expérience personnelle ?

C’est très bien qu’il y ait des interprètes en LSF, mais aussi le sous-titrage et la boucle magnétique. 

Il faudrait que chaque moyen de communication soit pris en compte. Une société plus inclusive serait vraiment prendre en compte la particularité de chacun avec ce qu’il est entièrement. Vaste programme, sans doute utopique mais réalisable si on y met les moyens et la volonté.

Avez-vous des projets en cours ?

Oui un autre livre sur mon parcours professionnel et ce qui m’a amené à entreprendre et à vivre de mes passions.

Et continuer à proposer mes conférences-théâtralisés et de participer à des tables rondes sur la question du handicap en société de manière humoristique et pragmatique. 


Propos reccueillis par Manuela SEGUINOT

samedi 23 mars 2019

Des gaulois réfractaires en psychanalyse aux personnes qui ont peur de la différence, la France écume 40 ans de retard...


Entretien avec Peter Patfawl


Vous êtes illustrateur de livres traitant sur des sujets sociétaux importants tels que le handicap et l’autisme, comment en êtes-vous venu à parler de ces sujets encore sensibles ?

En effet, c’est des sujets lourds. Mais je suis dessinateur de presse et de BD à tendance « Charlie Hebdo » et c’est avant tout mon humour. Tous les sujets graves me font réagir et j’ai envie d’en rire.

Rire du GPS, ça fait rire 2 minutes mais ça ne me touche pas plus que cela. Rire de la maladie, se faire du bien là où cela fait mal, c’est mon truc. Je suis très Desprogien et comme le tabou m’emmerde, j’en parle ! 

Ensuite, il y a mon vécu d’handicapé des rotules (Voir ma BD « carnet de santé ») qui m’a ouvert les portes du handicap. Il y a quelques années, on n’en parlait pas et encore moins en BD. Tout le monde fuyait. Alors je suis arrivé dans un désert. Maintenant les BD arrivent mais voilà, les sujets de ce genre, il faut être dedans pour en rire.

Je suis tombé sur une interview d’Olivia Cattan sur Canal plus et j’ai compris que l’autisme était encore mal vu. J’ai milité avec elle et je suis tombé sur ma nouvelle compagne, dans le combat.

Elle avait deux enfants dont un autiste épileptique. J’en suis maintenant le beau-père. L’autisme est donc un sujet de mon quotidien et le handicap c’est toute ma vie. Mais je ne traite pas que le handicap.

Je vais sortir dans quelques semaines, un manuel satirique sur le populisme. Encore un sujet difficile ! Mais j’aime ça. C’est très intéressant sur le plan artistique et ça fait avancer le monde. 



L’autisme fait peur alors que les plus concernés savent que c’est surtout le fait de ne pas connaître ce handicap. Quel message avez-vous voulu faire passer à travers vos deux ouvrages sur l’autisme ? Pourquoi avoir choisi cette thématique ?

Je me suis baladé un jour avec mon beau fils dans le bus et j’ai plusieurs remarques insultantes, ce jour-là. Je me suis dit, il faut faire une notice pour que les gens comprennent comment fonctionne mon beau fils. J’ai dit cette boutade à une amie éditrice, elle m’a dit : je t’édite ce manuel... Il faut le faire !

Alors j’ai bouclé ce premier manuel avec ma femme, en 4 mois chrono. Avec une boule au ventre ! C’était chaud mais enrichissant ! Et quand on a vu l’engouement des parents et des lecteurs tout court, on a compris qu’il y avait une demande énorme.

Le but était de combiner dessin et textes pour toucher même ceux qui n’aiment pas lire. Pédagogique et universel tout en tirant sur les faux clichés et les stéréotypes et autres rumeurs. Histoire de nettoyer tout ça à coup de feutre ! L’humour est salvateur lorsqu’il est fait comme ça.

Et nous avons eu une demande des parents et professeurs pour en faire une version enfant. Voilà pourquoi le petit manuel est né quelques mois après. En un an, on a édité 2 manuels illustrés ! c’est assez rare et énorme quand on y pense ! Et encore actuellement, il s’en vend tous les jours. Preuve qu’on en a besoin tout le temps !

Certains libraires disent que nous avons inventé un style car d’habitude dans les manuels, ce sont des illustrations qui sont très « neutres » hors les miens sont des dessins d’humour de type « presse » qui se moque des travers et des comportements humains.
Alors du coup avec les textes pédagogiques simples et ce mélange de dessins d’humour, ça fait un style qui touche tout le monde. (Enfin qui essaye, en tous cas !) 

Les associations ont déjà fait beaucoup de travail sur le terrain mais le grand public ne connait pas tout ça. Ou peu. Alors mon travail est un travail de passeur d’informations. Je remets les choses à plat, j’explique en vulgarisant la science et je donne le minimum à savoir au lecteur qui souvent ne veut pas se taper des gros pavés.

L’humour peut aussi servir à ça. Dénoncer et informer !  Voilà à quoi servent ces deux manuels. Aux adultes et adolescents et aux enfants et tous les gens qui fréquentent dans leur travail ou dans leur famille.

Dédramatiser et expliquer le côté pratique. Je vais souvent dans les écoles pour sensibiliser avec le petit manuel, les enfants se posent beaucoup de questions saines et veulent comprendre. Alors ce petit manuel est hyper intéressant pour l’inclusion scolaire et dans les centres de loisirs. Il faut que ce monde avance... Par la connaissance ! 


La différence et plus particulièrement le handicap sont très difficile à accepter dans notre société, selon-vous pourquoi ? Que pourrait-on faire pour que ce ne soit plus le cas ?

La peur et la méconnaissance. Il faut faire lire ces deux manuels aux 60 millions de Français... (Et je suis sérieux !) Pour le handicap, c’est juste un manque de bienveillance et de normes. Il faut rentrer dans des cases sinon cela fait peur. Beaucoup pensent cela et ça c’est bien triste ! On est tous différents ! 



Des lois importantes comme celle de 2005 ont vu le jour pourtant, nous sommes encore très loin de l’inclusion tant promise. Qu’en pensez-vous ?

La France écume 40 ans de retard en matière d’handicap. Le gouvernement actuel fait ce qu’il peut (mais contrairement sous l’ère d’Hollande, ce gouvernement veut bouger !) mais nous avons des gaulois réfractaires en psychanalyse et de personnes qui ont peur de la différence dans l’éducation Nationale donc nous avançons doucement... (Trop à mon gout) mais c’est la France !


Vous avez choisi l’humour et le dessin pour évoquer des sujets très délicats, pourquoi ? Qu’est-ce que cela vous apporte ? 

Tout d’abord, c’est mon métier. Je dirais même plus (comme dirait Dupont avec grand T) c’est mon langage.
Je suis né avec, je mourrais avec. J’aime parler aux gens avec mon feutre. Je trouve que ça apporte une légèreté, on peut aller loin ou synthétiser, rire, expliquer, montrer des partis de nous. Le dessin c’est tirer des traits et avoir des traits tirés. C’est magique de parler à tout le monde ! Ça enrichis ma vie.

 Surtout qu’avec ce début de succès après 8 ans de galère et de petites ventes, je me retrouve partout en librairie et je touche davantage de lecteurs, ça fait du bien ! Être lu c’est le plus beau métier du monde.

Dur, on n’a pas le droit au chômage et je n’en vis pas encore entièrement mais ça fait un bien fou. Et faire rire les gens, ça aussi ça fait du bien. Mais ce qui me plait encore plus c’est de réussir à convaincre le lecteur, de changer de point de vue.

Plusieurs fois, on m’a raconté que le manuel illustré sur l’autisme a fait changer d’avis des grands parents ou des pères qui niaient l’autisme de leur enfant et suite à cette lecture changent totalement d’attitude.

C’est dans ces moments-là, que je me dis que j’ai gagné quelque chose. Ça sera comme avec mon manuel sur le populisme qui sort bientôt. Comme c’est un manuel politisé, je ne pense pas que j’arriverai à faire changer les racistes totalement mais au moins si cela peut être une piste pour faire réfléchir, je m’en contenterai ! On ne peut pas sauver tout le monde hélas ! (Rire) 


Vous êtes le beau-père d’un enfant autiste, les affres des administrations est un point à améliorer en urgence, quelle a été votre expérience personnelle. Beaucoup de familles se sentent seules et démunies face au combat d’accompagnement qu’elles doivent mener, quels conseils pourriez-vous leur donner ?

Oui, sujet épineux en effet. L’administration est bien trop lourde. Il faut l’alléger, l’enfant ne peut pas faire un pas sans devoir demander une notification MDPH ! Et tous les ans, on demande aux parents de refaire un dossier pour être certain que votre fils est encore autiste. C’est absurde !

Il faut alléger cela, faire un statut d’aidant familiale aussi. S’il n’y a pas d’autres moyens que les parents s’occupent un moment de leur vie de leur enfant chez eux, qu’ils aient au moins un statut d’aidant familiale avec des avantages et pas d’embrouilles à avoir ! C’est scandaleux !

Pour les parents, je leur conseille de rejoindre une association locale et de tenter de lire un maximum d’informations sur les droits de leur enfant et d’eux même. En effet, beaucoup se sentent seules et ce n’est pas normal.

Alors il faut lutter encore et encore ! Oui il y a beaucoup de papiers à faire. Et parfois les MDPH sont blindés de monde et de travail, c’est comme Pôle emplois et les autres... Handicap et administration, ça ne fait pas bon ménage ! Alors je vous dis mes chers parents : courage !!! 


Quels publics sensibilisez-vous à travers vos livres ? 


Je veux sensibiliser tout le monde. Je dessine pour les 60 millions de français

Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

J’ai toujours plein de projets de livres. En octobre, ça sera probablement sur l’antisémitisme et l’homophobie, toujours chez La boite à Pandore édition. Un recueil avec 10 ans de travail autour de la santé et l'humour.

Cela sera un recueil de strips et dessins d'humour parfois noir sur la santé et le handicap et qui s'appellera "Humour de malade". Une sorte de cadeau de convalescence pour les malades et les médecins et qui paraitra dans l'année chez Veda Edition.

Les lecteurs du petit manuel réclament une série BD avec mes personnages de Max et Sacha, qui paraissent dans ce manuel. Alors je suis en train de négocier pour avoir un vrai contrat d’édition BD afin de me consacrer à cette future série BD. Je voudrais en vivre pleinement. Ça commence mais il faut continuer à avancer.

Ça fait dix ans que je galère, mais je patiente ! Je continue mes commandes avec mon agence Talentéo, dans les entreprises pour sensibiliser les salariés au handicap.

Je continue à sortir une planche par jour sur mon blog BD "Bim dans l'aidant" et des articles de fond sur le blog "Les baobabs ». Et je continue à m’occuper de mes beaux enfants et de ma compagne tout en créant de nouveaux projets. 





Propos reccueillis par Manuela SEGUINOT