Je travaille depuis de longues
années auprès d’enfants extra-ordinaires. Force est de constater que la période
d’adolescence, de pré-adolescence est très difficile pour eux. Pourquoi ?
D’abord parce qu’ils ne sont pas
suffisamment accompagnés dans cette période de modification de leur corps. Des
changements importants interviennent tels que la menstruation* pour les jeunes
filles. Cette étape de leur vie est un cataclysme qu’il ne faut pas négliger.
Ce n’est pas parce qu’ils sont en situation de handicap qu’ils ne doivent pas
être accompagner. Il y a d’abord l’apparition de saignements qui peut être
vécut très violemment et associé à quelque chose d’effrayant. Puis, la douleur due
à la menstruation. Elle est nouvelle, inconnue et elles n’ont pas de repères
auxquels s’accrocher pour se rassurer.
J’ai l’amer sentiment que ces
périodes de menstruations sont un calvaire pour les accompagnants peu ou pas
formés pour expliquer à ces femmes en devenir les motifs de transformation de
leur corps. Par exemple : aider à changer de protection périodique est une
intrusion à l’intimité. Deux options possibles :
-
L’aspect récurrent laisse poindre les
automatismes de l’accompagnement sans réaction supplémentaire de la jeune femme
-
Intrusion intime vécut de manière très violente
Là encore le discours pourrait
être qu’il n’y a pas le choix de créer ces automatismes. Je ne suis pas
d’accord. Nombreux sont les professionnels de santé qui évoquent ces périodes
comme des agressions physiques destructrices. On doit mettre en place des
spécificités d’accompagnements qui permettraient à ces jeunes femmes de
comprendre l’importance des gestes répétitifs pour des raisons d’hygiène et de
bien-être.
Certes, il y a des exceptions à
la règle mais ces jeunes femmes ont le droit de comprendre les modifications de
leur corps. Cela pourrait ainsi leur permettre de mieux vivre ces périodes
délicates mais aussi poser des questions sans filtre. Bref, l’accompagnement et
la formation des professionnels dans ce cas précis est indispensable.
Autre point important concernant aussi
les garçons que les filles : l’Amour et la sexualité. Sujet délicat,
presque tabou qui s’accentue à l’adolescence. Après les changements d’un corps
qui évolue pour devenir celui d’un homme ou d’une femme, il y a l’apparition de
nouveaux sentiments, de nouvelles envies, de nouveaux besoins...
Grand tabou de notre société, la
masturbation*. En effet, ces jeunes en construction se retrouvent à découvrir
cette pratique dont on parle très peu alors qu’elle concerne une très large
majorité des adultes en devenir. C’est une manière de voir apparaître la
sensation de désir, de plaisir procurer par cette méthode.
Une fois de plus, ce n’est pas
parce que ce sont des enfants porteurs de handicap qu’ils ne sont pas
concernés. Ils ont en eux tout un tas de besoins et de désir qui se réveillent.
L’orientation sexuelle en fait également partie mais avec la particularité de
n’avoir aucun filtre. Ils sont entiers, vivent et ressentent les choses
intensément.
Ce qui me chagrine, c’est que là
encore professionnels et enfants se retrouvent à devoir vivre ces situations
malgré eux. Pour les professionnels souvent gênés et démunis face à ces
pratiques qui « dérangent », beaucoup ferment les yeux car ils ne
savent pas quel positionnement avoir et pour les « jeunes », ils ne
bénéficient pas de l’intimité dont ils auraient besoin pour répondre à cette
sollicitation spécifique de leur corps. La question de l’acceptation, de l’accompagnement
et du respect de l’intimité devrait être très rapidement pris en considération.
On ne peut ignorer les
difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels concernant la
sexualité. C’est un sujet vaste et varié nécessitant d’être formé pour mieux
accompagner ces futurs adultes.
Arrêtons ce tabou sociétal qui ne
fait que discriminer ces enfants porteurs de handicap. Nous nous devons d’être
présent et de répondre aux questions qu’ils se posent mais devons- nous
accepter qu’ils s’embrassent ? Devons-nous prôner la
« normalité » des couples : hommes/femmes ? Quelle place
devons-nous laisser à la sexualité ? Quel discours devons-nous
tenir ?
Cette sensation d’être formatée
ne me convient pas. Pourquoi ces jeunes en situation de handicap devraient
répondre à des critères très précis alors que nous sommes dans une société où
la liberté fait partie des fondamentaux de notre Pays ?
Manuela SEGUINOT
*Menstruation (ou règles) : désigne un écoulement sanguin
périodique évacué par le vagin, saignement qui est une manifestation visible du
cycle menstruel des femmes en âge de procréer.
*Masturbation :
La masturbation est une pratique
sexuelle, consistant à provoquer le plaisir sexuel par la stimulation des
parties génitales ou d’autres zones érogènes, généralement à l’aide des mains,
ou parfois d’objets tels des godemichets ou autres jouets sexuels
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