jeudi 31 octobre 2019

Entretien avec le Docteur Djéa SARAVANE, parrain d'exception




Je vous ai sollicité pour être parrain de mon projet de sensibilisation au handicap, au harcèlement et plus largement à la différence. Cela a été une évidence pour moi. Votre parcours est admirable et reflète en moi les convictions qui animent ces projets, merci infiniment !!


1/ Pourquoi avez-vous accepté de parrainer mon projet ? Que représente-t-il à vos yeux ?

Tout d’abord pour vous féliciter de ce beau projet de sensibilisation au handicap et c’est important à mes yeux car une personne vivant un handicap est avant tout une personne humaine.


2/ On connaît vos travaux sur la souffrance des personnes avec autisme, votre mobilisation et combats divers pour cette cause, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Mon parcours, très hétérogène après la prise en charge des patients cancéreux, puis  l’approche globale des patients souffrants de pathologie mentale sévère. 

Je suis arrivé, il y a quelques années de ça à prendre en charge un enfant autiste hospitalisé dans un service de pédopsychiatrie pour troubles du comportement et l’équipe de pédopsychiatrie (à obédience psychanalyste) a été choqué que je l’examine comme doit faire tout médecin, et comme me l’ont appris mes maîtres : inspecter, observer, palper, ausculter, percuter et on fait un diagnostic. 

L’équipe de pédopsychiatrie m’a reprochée d’avoir fait mon travail et ce, depuis je me suis intéressé à l’autisme et je tiens à le dire j’ai tout appris des familles, des aidants familiaux, du personnel soignant et non soignant qui s’occupe de ces personnes et bien sur des personnes TSA. 

Et je me suis rendu compte de toutes les pathologies organiques associées à l’autisme et bien entendu la douleur avec une négligence totale de les détecter.


3/ Pour vous, l’autisme et le handicap sont-ils pris en considération de la même manière ? Pourquoi ?

Déjà la personne vivant un handicap pose un problème, quand on constate les refus de soins en libéral ainsi que dans les établissements (heureusement certains professionnels font un excellent travail dans la prise en charge). 

Je dis toujours concernant l’autisme, triple peine :

-         -  C’est un handicap

-         -  Pathologies organiques et douleur associées non détectées

-          - Et si détectées, une mauvaise prise en charge médicale !

Les comportements problèmes ont jusqu’à une époque récente mis sur le compte de l’autisme, sans rechercher la cause et majoritairement ce sont des pathologies organiques et des phénomènes douloureux.


4/ L’intégration des enfants avec autisme est encore très difficile et surtout terriblement douloureuse pour les enfants et leurs familles. Selon-vous, que faudrait-il concrètement faire pour y parvenir ?

Oui il y a encore  du boulot à faire pour l’intégration déjà au niveau scolaire, certes des progrès mais il y a dans certains départements ces enfants sont restés sur le carreau.


5/ Force est de constater que nombreux sont les professionnels qui ne sont pas formés pour accueillir dans leur classe des enfants porteurs de handicap. 

Préjudices et souffrances sont largement engendrés par ces dysfonctionnements. Malgré la loi de 2005, nous sommes encore loin de résultats probants, qu’en pensez-vous ?

Oui il faut former les professionnels mais pas uniquement eux il faut donner une image positive des personnes vivant un handicap, former par exemple les policiers, les gendarmes, les pompiers  etc.. Pour la prise en charge de ces personnes et cela se fait déjà dans de nombreux départements.


6/ Quel regard portez-vous sur le handicap dans notre société ?

Dans de nombreux pays, y compris européens cela se passe bien, la personne vivant un handicap est intégrée dans la société.


7/ Vous êtes un homme très sollicité 😉, de projets sont-ils en cours ?

Oui mais je continuerais à me battre avec les familles, leurs enfants… tant que je peux. Les projets :

-          Formation initiale et continue, sensibilisation en premier lieu du personnel soignant et non soignant

-          Tenter  que dans le programme des études des médecins, des paramédicaux, des futurs spécialistes des cours sont programmés pour la prise en charge spécifique de ces personnes avec une immersion de ces futurs professionnels dans les institutions sanitaires, médico sociaux. Stage dans leur cursus rendu obligatoire

-          Pouvoir mettre en place avec les autorités sanitaires des consultations dédiées pour les personnes vivant un handicap avec le personnel soignant formé, selon un cahier de charge et une chartre éthique, mise en place sur tout le territoire y compris dans les DOMS-TOMS, selon les recommandations de l’HAS.


8/ Y a-t-il de réelles avancées et / ou prises en charge de l’autisme aujourd’hui ? Avez-vous le sentiment que les choses évoluent favorablement ?

Oui il y a des avancées, mais ça se fait par paliers et le retard pris dans ce domaine demande du temps.


9/ Nombreuses sont les familles à bout de souffle, épuisées physiquement et moralement du fait d’une non prise en charge, quels conseils pourriez-vous leur donner pour s’accrocher ?

Je comprends la souffrance des familles, mais sans elles le combat est perdu d’avance. Il faut poursuivre avec toutes les personnes volontaires et avec les autorités pour mettre à bas les préjugés.

Je suis en admiration de toutes ces familles, de leur combat au quotidien.


10/ Le mot de la fin : Une pensée positive qui vous anime dans vos combats ?

Que dire, je suis ravi d’être à côté de ces personnes qui souffrent et apporter ma modeste contribution et grâce à ces personnes TSA, les familles, le personnel dévoué, je suis soutenu et poursuivrais mon combat pour ces personnes qui méritent la dignité humaine.


Soyons humble et ayant à l’esprit qu’il faut s’adapter à l’autre et non le contraire. Je le redis ces personnes autistes, les familles m’ont tout appris et je tiens à les remercier et je serais à leur côté tant que je pourrais.

Propos recueillis par Manuela SEGUINOT

lundi 7 octobre 2019

Être parent d’une enfant Extra-ordinaire





1/ Vous êtes la maman de l’adorable Charlotte porteuse de Trisomie 21, pouvez-vous nous parler d’elle, de vous, votre famille, en quelques lignes ?

Charlotte est notre petit bonheur. Elle est arrivée avec un truc en plus et j’avoue qu’au début cela nous a tous dévasté un peu, nous avions peur, y compris Margot, car nous ne savions pas où nous allions alors et ce qui nous attendais.

Aujourd’hui nous sommes ceux que nous étions à 15 et 18 ans avec mon mari, puis ceux à 27 et 30 ans à l’arrivée de Margot.
Nous sommes un peu des « baroudeurs », des fonceurs, joyeux, un peu foufous et très épicuriens !

On se laisse un facilement porter par la vie… ses surprises, ses invitations … bref on profite ! et on a transmis ces virus à Margot la grande sœur de Charlotte (10.5 ans), et on le transmet à Charlotte.

On adore partir en vadrouille, que ce soit prévu ou complétement imprévu, dès qu’on peut on part.

L’arrivée de Charlotte n’y a rien changé, nous ne sommes pas casaniers et nous souhaitons qu’elle aussi profite au maximum de la vie, qu’elle découvre d’autres horizons que la maison ou la crèche, qu’elle rencontre un maximum de personnes différentes de tous genres, petits, grands, gros, de de n’importe quels pays, peu importe la langue, l’orientation sexuelle, les croyances païennes, athées, religieuse… les maîtres mots étant TOLERANCE, BIENVEILLANCE, PARTAGE ….

Visiblement tous ces déplacements et rencontres ne dérangent pas Charlotte, au contraire, elle sait bien mieux que nous comment ouvrir les yeux et surtout les cœurs des gens ! comment ne pas fondre devant cette petite personne avec un caractère déjà très affirmé.

« Ouvrir les yeux et les cœurs » est notre leitmotiv !

On pourrait continuer à parler des heures,
-          De mon parcours (avec une sensibilisation au handicap et à la différence et à la tolérance pour un peu tout très jeune),
-          De celui de mon mari, confronté à des épreuves difficiles très jeune,
-          De la « précocité » de Margot, de sa joie de vivre et parfois de son « j’m’en foutisme »,
Mais aujourd’hui on ne veut plus que s’attarder sur les belles choses que la vie nous réserve au jour le jour.

2/ Au quotidien, on peut suivre les aventures, le parcours de Charlotte, ses prises en charge… Avez-vous rencontré des difficultés « administratives » dans votre expérience de parents d’enfant avec handicap ?

Bien sûr ! quelle question (Rires)
Sans plaisanterie, oui, nous avons rencontré des difficultés, et nous savons que malheureusement nous en rencontrerons encore…

Que ce soit pour instruire le dossier MDPH, pour lequel il a fallu faire appel, pour obtenir un RDV (sans suivi régulier) au CAMSP, au CMP…

On angoisse d’ailleurs déjà un peu de devoir monter un nouveau dossier auprès de la MDPH pour obtenir une AVS (même si on sait déjà qu’avec ou sans l’école de notre village accepte Charlotte).

3/ On peut lire tous les jours, plusieurs fois par jour même, que le regard sur le handicap peut encore faire souffrir. Qu’en pensez-vous ?

Pour le coup, j’avoue que jusqu’à maintenant nous avons eu peu de mauvaise réaction à l’encontre de notre enfant. Je dois avouer que je n’ai pas la langue dans ma poche … de fait si je sens un regard trop insistant (ce que je prends plutôt comme de la curiosité positive), je n’hésite pas à parler de la trisomie avec les gens. 

Je n’ai pas de tabou sur ce handicap, d’ailleurs je n’hésite jamais à parler / échanger, et ce peu importe le sujet.

Il m’est arrivé moi-même de regarder une personne dite « différente », soit un regard qui « glisse », un regard émerveillé, bienveillant, peut-être même curieux ; que les familles peuvent penser négatif … quand on entre sur le chemin de traverse qu’est la vie en étant « différent », quand on n’entre pas dans les « cases », on s’attend à tellement d’embuches … le risque peut être aussi de se sentir « persécuté » …

 Nous n’avons pas choisi cette voie, nous préférons le dialogue au silence, et nous continuerons de parler, d’expliquer afin que la trisomie, le handicap en général soit mieux perçu.

Après, il est bien évident que parfois, certaines expériences me blessent, me déçoivent, voire me mettent extrêmement en colère comme notamment des enfants qui ne peuvent pas faire leur entrée à l’école de la République faute d’AVS… certaines personnes oublient leurs cœurs et/ou leurs obligations un peu trop facilement à mon goût.

Ou encore les gens qui détournent la tête aux caisses prioritaires pour ne pas avoir à céder leur précieuse place…  

Les personnes qui se garent sur les places réservées sur les parkings et pour le coup ça je le vois tous les matins et tous les soirs à la crèche que fréquente Charlotte… 

Charlotte n’est pas bénéficiaire de cette carte mobilité (pas pour le moment, si le besoin s’en fait sentir, nous en ferons peut-être une nouvelle fois la demande)

Chaque individu est unique, chaque individu a sa pierre à apporter, chaque individu peut apprendre, aimer, être aimer, travailler, avoir des amis, une vie sociale, des peines, des joies….

On ne devrait même pas avoir à en parler, l’inclusion devrait être naturelle….

4/ A travers vos publications, photos, vidéos de Charlotte et la jolie Margot (sa sœur), quel message souhaitez-vous faire passer ?

Nous souhaitons faire passer un message de bonheur et de bonne humeur, montrer qu’on a une vie comme tout le monde, que le handicap n’est pas ce qui prend le plus de place (même si on a un peu plus de RDV et que l’organisation est différente).

Pour nous ce qui prend le plus de place c’est la vie, l’amour et un peu de bazar (bon d’accord beaucoup de bazar –RIRES-)

On veut aussi montrer à ceux qui nous ont annoncé catastrophe sur catastrophe que tout va bien, que Charlotte n’est pas un « boulet », une simple « aberration chromosomique », qu’elle est AVANT TOUT Charlotte, avec son caractère, ses envies, ses rires, ses colères, son apprentissage à elle, et ça c’est valable pour tous les enfants !

On veut montrer que la vie n’est pas si différente, qu’elle est moins compliquée que ce qu’on nous a annoncé (certes il y a plus de chose à faire, mais à elle seule elle ne vaut pas 10 enfants non plus !), on veut montrer qu’on peut continuer à travailler, à sortir, à partir en vacances bref A VIVRE (et vivre NORMALEMENT !)

5/ Charlotte grandit, quel est votre ressenti, vos appréhensions sur sa future scolarité ?

Je vais être honnête, ce qui m’effraie vraiment le plus c’est qu’elle souffre car on sait que parfois les enfants ne sont pas tendres, qu’elle ne soit pas correctement intégrée.

Je sais qu’en ce qui concerne ses capacités je n’ai aucun doute sur son succès. Pour les équipes enseignantes, je n’ai pas trop peur non plus, je pense que nous serons bien compris et accepté (et si ce n’était pas le cas, je retrousserais mes manches pour aller au charbon, à défaut en découdre –Rires-)

En revanche, les moqueries qui pourraient faire souffrir Charlotte sont plus difficiles à accepter. On peut faire tous les groupes de paroles qu’on veut, en parler, en reparler, les enfants surtout avec effet de groupe ne sont pas tendre. Mais on en est pas là, chaque chose en son temps et d’ici là nous verrons, si ça se trouve ce sera la coqueluche du collège/lycée J

6/ On a de cesse d’évoquer une société inclusive comme on en rêverait, la réalité est toute autre, quelle opinion portez-vous sur l’inclusion ?

Comme je le disais un peu plus haut, pour moi on ne devrait même pas avoir à parler d’inclusion… ce devrait être naturel…

Je me dis qu’avec un tout petit peu plus de bienveillance, un petit peu de moyen pour mettre certains lieux aux normes, une bonne campagne de sensibilisation comme sait si bien le faire l’Etat devrait continuer à aider en ce sens.

Après tout quand tout un chacun aura compris que toutes les vies valent autant alors ce sera déjà une réelle avance (handicap ou non)

7/ L’accompagnement, la prise en charge des enfants peut être un parcours du combattant. Comment cela se passe-t-il pour vous ? Avez-vous le sentiment d’être soutenue ?

Sincèrement aujourd’hui beaucoup plus qu’il y a bientôt 2 ans, mais franchement ça a été un parcours du combattant…

On sort de la maternité complétement démunis, avec juste des doutes (et de l’amour pour son enfant), on ne connait rien (de plus) sur la pathologie, on a tout au plus le nom du CAMP, on ne sait pas quoi faire, par où commencer, quels dossiers à monter, quels examens sont à prévoir…

J’ai bien essayé de joindre des associations : Trisomie 21 France (pas d’antenne dans notre département), la fondation perce neige à Amiens (difficultés à les joindre et ne savent pas quoi faire pour moi …) et d’autres mais je ne me souviens plus, à force de prendre des portes il faut oublier sinon on ne vit plus que dans le négatif et ça c’est hors de question.

Bref l’idée monte de plus en plus en moi (et c’est quasi chose faite) de créer une association avec des aides notamment sous forme de fiche par exemple pour aider les jeunes parents, dans leur organisation en plus d’une écoute et d’une épaule.

Là où nous avons trouvé de réels conseils au final, c’est sur les réseaux sociaux, où les parents s’aident et s’entraident, se file des tuyaux et des explications. Sans les réseaux je ne sais même pas si Charlotte aurait pu bénéficier de la plaque palatine (pour tonifier sa langue) …

8/ Hélas, nombreuses sont les familles qui se sentent seules, démunies face au handicap de leur enfant, quels conseils pourriez-vous leur donner pour sortir de cette solitude ?

Je leur dirais :
1)      LA VIE EST BELLE ! il faut continuer à sortir, à vous épanouir, à voir vos amis (et vous en faire de nouveaux aussi), à voir votre famille, à garder vos passions et hobbies, de continuer à faire du sport, à voyager : bref : NE RIEN S’INTERDIRE.
2)      De se tourner vers des associations de parents, vers des psychologues éventuellement.
3)      De trouver du réconfort sur les réseaux via des pages ou comptes (moi ça m’a beaucoup aidé – j’ai d’ailleurs créé les nôtres)
4)      De demander de l’aide, de ne pas faire du handicap une honte ou un tabou. Nous sommes là pour aider quiconque en fera la demande. Je pense d’ailleurs créer bientôt une association de soutien (aide psy/ soutien/ aide administrative…)

Merci Manuela J