samedi 13 avril 2019

Entretien avec Eglantine Eméyé : Nous avons appris à communiquer à notre façon...




Vous êtes la maman de Sami, enfant en situation de handicap, pouvez-vous nous parler de vous, de votre relation ?

Nous avons appris, avec les années, à communiquer à notre façon : sourires, jeux, chansons…Je lui parle beaucoup en chantant. Il est très calin. Et le bain est un moment privilégié que je ne laisse à personne si je suis là…

Lors de la soirée « Rebondir » organisée par Libération, vous m’avez pleinement émue lorsque vous avez évoqué avec une extrême sincérité être parvenue à accepter que vous ne soyez pas la bonne personne pour vous occuper de votre enfant. Comment en êtes-vous arrivée à ce cheminement vers la résilience ?

J’ai eu la chance de rencontrer de bonnes personnes, qui m’ont aidée à faire ce parcours : psychologues, éducatrices, qui m’ont aidée à comprendre que le rôle des parents n’était pas d’ordre médical.

Que j’avais le droit de n’être que sa mère, ce qui est déjà beaucoup. Et puis dès le début j’ai admis mes faiblesses. Je suis capable de reconnaitre mes forces et mes faiblesses, avec honnêteté, aussi bien au travail qu’à la maison, ça aide. 

Etre honnête envers soi-même, être juste envers soi, c’est important.

Le placement d’un enfant dans une structure spécialisée peut être une décision déroutante voire culpabilisante. Que pourriez-vous dire aux familles qui se posent la question de savoir si un placement dans un établissement est la bonne solution pour leur enfant ?

Non, parce qu’il n’y a pas à mon sens UNE bonne solution, mais tout un tas. Tout dépend de l’enfant, de la famille, du moment.

Dans mon cas, j’ai réalisé que ce que j’étais capable de lui donner à ce moment là, en fonction de ma situation familiale personnelle, de mes capacités, était moins bénéfique pour lui que ce que la vie à l’hôpital lui proposait.

Mon fils n’aime pas les changements incessants, les déplacements, il a besoin de temps pour tout. Travaillant, et n’ayant pas de structure de jour adaptée, je devais l’emmener partout : psy, ergothérapeute, orthophoniste etc…

Cela faisait lourd pour lui. Et puis il faut savoir mesurer l’impact de ce qu’on s’impose, pour le bien de cet enfant : les bénéfices qu’il tirait de sa vie avec son frère et moi à la maison, étaient ils assez conséquents pour tous les sacrifices que cela demandait à mon aîné par exemple ?

J’ai un jour eu l’honnêteté de reconnaître que non. Et que malgré ma souffrance de voir partir loin mon enfant, c’était la solution qui était la meilleure, pour lui, et pour mon autre fils.

Quels conseils pourriez-vous leur donner ?

Oser s’écouter, oser. Et se rappeler qu’on ne culpabilise pas d’être le parent d’un génie de la danse par exemple, qui vous quitte pour aller vivre son apprentissage à l’Opéra, parce qu’on pense qu’on agit pour son avenir, pour son bien. 

Dans le cas de nos enfants différents, et bien c’est la même chose. Et puis reconnaître, et ce n’est pas facile, que d’autres que soi-même peuvent apporter plus à notre enfant. Leur faire confiance.


Le handicap est un sujet qui fait très largement écho au sein de notre société, pour autant, nous sommes encore très en retard dans le domaine de l’inclusion, qu’en pensez-vous ?

Je pense que l’inclusion à tout prix est dangereuse. Il faut arrêter avec cette idée. Encore une fois, il faut penser en termes de personnes et non de « catégorie ». Parce que cela entrainera encore une forme d’exclusion : ceux qui sont en incapacité d’être parfaitement « inclus », que deviendront-ils ?

La société doit accepter les différences. Inclure ce n’est pas les accepter. C’est vouloir faire entrer de force tout le monde dans le même cadre.

Vous avez créé l’association « Un pas vers la vie » afin de rassembler des familles vivant la même épreuve douloureuse de vie. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il vous semble indispensable de ne pas rester isolé ?

Seules les familles vivant les mêmes choses comprennent vos émotions. Mais certaines ont quelques années d’avance sur vous, et peuvent partager leur expérience, donner de précieux conseils avec le recul.

Aucun médecin, aucune institution n’a ca. Et puis entre nous, on accepte plus facilement de se moquer de nos mésaventures, on se lache. Et c’est salvateur.

Sami a un grand frère, bien souvent il est difficile pour la fratrie d’affronter les regards, les moqueries ou remarques blessantes sur le handicap. Vous avez instauré des moments « anti-Sami » pour dédramatiser la situation, en quoi cela vous semblait-il important ?

Je tenais à ce que mon aîné ne vive pas le handicap de son frère ni comme un tabou, ni comme un sujet uniquement sérieux.

Il fallait, pour lui, et même pour moi, que nous acceptions d’en avoir marre, d’en rire, de crier parfois. Sinon cela aurait été injuste pour lui. Après tout, mon aîné se faisait parfois engueuler, pourquoi pas mon second ?

Et je me moquais parfois gentiment de mon aîné pourquoi ne pas le faire aussi du second ? Je voulais les mettre sur un pied d’égalité, pour que l’aîné ne se sente pas de côté…


Vous êtes très active dans le domaine du handicap, malgré tout vous menez avec brio votre vie de femme, de professionnelle. Comment parvenez-vous à être aussi active ?

J’avoue que tout ceci se fait au détriment de mon sommeil, et d’un temps pour moi. Mais toute cette activité m’est sans doute nécessaire pour accepter ce qui nous arrive. Et pour lui donner du sens. 

Je suis débordée, je cours beaucoup, j’en ai parfois marre, mais je me donne le droit aussi de prendre une baby sitter si Samy est à la maison, même si je n’ai pas eu le temps de le voir dans la journée, d’aller au cinéma.

Et puis j’invite beaucoup les amis à la maison. Si je suis fatiguée, j’ose demander à tous de venir cuisiner chez moi. Chez moi, c’est plus facile, Samy, mon ainé sont là, je peux m’en occuper en même temps que je reçois, et mes amis sont compréhensifs. 

Et côté boulot, je profite d’une grande chance : je suis capable de me concentrer dans n’importe quel train, métro, avion et de bosser. Pareil pour dormir : mettez-moi 5’ dans une voiture qui roule, si je ne travaille pas, je dors et je récupère.

Alors oui, en revanche, j’ai tendance à facilement laisser tomber le portable…on verra plus tard me dis-je !! ;-))

Vous êtes l’auteure d’un livre relatant de votre expérience aux côtés de Sami. Moments aussi intenses, que violents, plein de bienveillance, le tout sur lit d’amour maternelle. Quel message souhaitiez-vous faire passer aux lecteurs du « Voleur de brosses à dents » ? 

Que vous n’êtes pas seuls, que vous ne devez pas baisser les bras, mais que vous devez oser  demander de l’aide, autour de vous. Et que vous avez le droit d’être à bout, de le dire. Et le droit de vouloir aussi rire, vous détendre.

Propos recueillis par Manuela SEGUINOT

2 commentaires:

  1. Un livre qui m'avait beaucoup émue et que je conseille ! !!!

    RépondreSupprimer
  2. Casino & Sportsbook in St. Louis
    St. Louis (MO) — The St. Louis Hotel and Casino 창원 출장샵 is the city's premier 충청북도 출장안마 gaming and entertainment destination. The casino has more than 5,000 slot  문경 출장샵 Rating: 5 · ‎1 vote 경산 출장안마 · 진주 출장샵 ‎Price range: $$$$

    RépondreSupprimer