J’ai eu la chance de participer à la
soirée débats organisée par Libération hier, Jeudi 28 Mars 2019, intitulé « REBONDIR »
aux côtés de Juliette Lacronique, fondatrice de la plateforme eNorme et de Christophe
Axel, fondateur du Pôle SAP (Aux côtés des aidants familiaux, service à la
personne).
Pourquoi « REBONDIR » ?
Parce que le fil rouge de cette soirée était de croiser les regards et les
expériences de vie suite à des épreuves douloureuses telles que la maladie, les
accidents ou le deuil. Tous ces cheminements mènent à un moment donné à une
forme de résilience.
Mais qu’est-ce que la résilience ?
La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un
individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique
pour ne plus, ou ne pas, avoir à vivre dans la dépression et se reconstruire
d'une façon socialement acceptable.
Vaste
programme qui peut s’avérer difficile à admettre lorsque l’on se retrouve
acteur, accompagnant ou encore victime d’un accident de la vie. Nul n’est à l’abri,
raison pour laquelle il me semble important de se confronter à ces situations
et d’échanger afin de ne pas se sentir seul pour affronter tout cela.
Nous
avons eu la chance de découvrir des expériences de vie touchante et éprouvante
mais tellement enrichissante humainement.
C'est Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de "Libération", qui a fait l'introduction de ce grand débat et a fait la présentation des différents intervenants.
C'est Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de "Libération", qui a fait l'introduction de ce grand débat et a fait la présentation des différents intervenants.
Tout d’abord Elisabeth Quin, journaliste sur Arte qui se livre sur la
problématique qu’elle rencontre à savoir l’apparition un glaucome engendrant
une diminution de la vue.
Elle nous
raconte avec émotion le ressenti éprouvé lors de l’annonce du diagnostic qui s’est
faite de manière lapidaire et froide. Puis, énumère les différentes phases par
lesquelles elle est passée avant la résilience :
- Le
déni
- Période
où elle a embrassé la maladie
- Le
besoin d’être pris en charge, qu’on vous sauve
- Le
besoin de vouloir tout savoir sur la maladie
- Le
besoin d’avoir plusieurs avis (3/4 médecins)
- La
saturation des informations
- La
difficulté à prendre des décisions
Elle
évoque ensuite, le fait d’avoir dû assimiler qu’elle n’avait pas d’autre choix
que d’avancer, d’accepter la maladie. « C’est dans ces moments-là qu’on
se rend compte qu’on a une capacité d’adaptation et de plasticité incroyable. »
« Plus je suis accablée, plus je m’allège. Double mouvement à l’intérieur
de moi et je vis avec cette situation absurde. »
Elle nous
signifie l’importance que représente le fait de se sentir utile, d’agir en
permanence et de témoigner avec humour et autodérision pour ne pas flancher.
Témoigner
pour le dépistage et informer est primordial pour éviter ces « accidents
de vie » qui bouleverse l’être humain en profondeur mais aussi rencontrer
des personnes qui vivent la même situation au sein d’associations.
Vient
ensuite le témoignage bouleversant d’Eglantine
EMEYE, animatrice TV et maman de Sami, jeune garçon de 13 ans
polyhandicapé.
Sami
vit dans un centre spécialisé depuis près de 5 ans, car il était impossible
pour cette maman de voir son enfant souffrir autant et se sentir impuissante :
« J’ai des difficultés, je ne suis pas
parfaite. J’ai compris que je ne suis pas la meilleure personne pour s’en
occuper sur le plan médical mais que, j’étais une maman faite pour faire des
câlins et jouer et pas pour le stimuler toute la journée. »
« J’ai accepté que ma vie ne sera pas parfaite, que
la vie n’est pas quelque chose de parfait. La vie de mon fils n’est pas
parfaite et les accidents font partis de la vie. »
Elle nous
raconte que son quotidien pendant 8 années était de dormir 3h par nuit et de
maintenir Sami afin qu’il ne s’inflige pas de coups. « Je ne pensais pas être aussi solide, combative, endurante, la fatigue
laisse des traces… »
« Dans l’épreuve le corps humain, l’être humain à
des ressources insoupçonnées et j’ai eu la chance d’avoir voulu continuer
à travailler, ça m’a beaucoup aidé. »
Etant maman moi-même, il m’est vraiment difficile de me
dire que nous pouvons ne pas être la bonne personne pour s’occuper de son
enfant. Pourtant, avec du recul et le témoignage d’Eglantine, on se dit que le
cheminement de cette maman est incroyable. Le terme de « résilience »
prend alors tout son sens.
Elle a pris une décision qui pourrait paraître inconcevable
pour n’importe quel parent et pourtant, cela semble être la bonne décision pour
cet enfant en souffrance.
Eglantine
a pour autant besoin d’échanger avec d’autres familles qui vivent la même
situation. Raison pour laquelle elle a créé une association « Un pas vers la vie »,
écrit un livre intitulé « Le voleur de brosses à dents » et milite
activement pour le handicap.
La
solitude dans laquelle elle se trouvait s’est estompée et, elle nous confie que
pouvoir échanger est indispensable pour avancer : « Plein de côtés humains ressortent en moi grâce à l’association. Les
échanges sont primordiaux, il faut remettre de l’humain et de l’humour dans
cette situations douloureuses. »
J’ai eu de nombreux frissons tout au et long du
témoignage de cette maman qui admet avec franchise et bienveillance ne pas être
parfaite, ne pas pouvoir s’occuper de son enfant en permanence.
Pourtant, par d’autres
moyens que ceux d’une maman qui est auprès de son enfant quotidiennement, elle se
bat pour que, Sami et beaucoup d’autres enfants puissent être pris en charge du
mieux possible.
Nous
rencontrons ensuite Mara GOYET,
écrivaine qui nous fait le récit du combat qu’elle mène aux côtés de son papa
atteint de la maladie d’Alzheimer.
Ce
Monsieur est placé dans un EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour personnes
Agées Dépendantes). Elle nous livre ses difficultés à accompagner son père au
quotidien contrairement à sa maman et sa sœur. Pour elle, l’arrivée dans cet
établissement est difficile : « On a peur de faire une découverte
macabre tant que l’on n’a pas retrouvé son proche. Je ne regarde pas les autres
résidents, ça m’est insupportable. Je suis consterné par mon manque de courage. »
Pourtant,
Mara a écrit un livre « ça va mieux, ton père ? », l’écriture de
cet ouvrage est sa manière à elle d’apporter sa pierre à l’édifice de l’accompagnement
de son « Papa chéri ». D’ailleurs, elle nous livre avec émotions le
retour de sa maman qui l’a remercié d’avoir eu le courage d’écrire les choses
qu’elle ne voulait pas voir.
Ce témoignage est la preuve qu’il n’y a pas de recette
miracle, toute faite, pour accompagner un proche. Chacun vit les choses
différemment et agit en fonction de ses capacités à rebondir face à un accident
de la vie.
L’important c’est d’être présent à sa manière, sans que
cela soit imposé et deviennent une obligation. La notion de relation est très
importante et ne doit pas être abîmée par un sacrifice.
Le
témoignage suivant est celui d’Olivier
BONAVENTUR, dirigeant du centre mutualiste de rééducation et de réadaptation
fonctionnelles « KERPAPE » dans le Morbihan.
Le centre
accueille des personnes ayant vécu des traumatismes graves. Il nous livre avoir
fait le choix de l’humain à 200% et de la rencontre au sein de son centre.
Il nous
explique que les centres de rééducation sont des lieux qui font peur aux
patients et à leur famille pourtant, la majorité des accidentés rebondissent et
repartent avec un nouveau projet de vie.
« Des liens se tissent entre les personnes du
centre, ils s’entraident et sont animés par la même conscience de vie. Ils ont
une présence au monde difficile à atteindre : se reconstruire ce n’est pas
que marcher ou manger à nouveau, il y a leur nouveau projet de vie (travail,
prothèse, avenir…). »
« Nous avons des sexologues présents au sein du
centre car c’est un accompagnement indispensable pour avancer. »
« Nous nous devons de prendre soin de la personne
accidenté mais aussi de son entourage sinon, on plante le projet ! ».
« Il existe plusieurs formes de rebond : le travail,
le sport, l’engagement (militantisme, associations pour la société) mais aussi,
en valorisant ses propres expériences. »
Des accidents
de la route aux tentatives de suicide, ce sont des leçons de vie
extraordinaires. Je trouve incroyable que tous ces parcours de vie mènent à la
résilience et puissent aboutir au rebondissement nécessaire pour avancer.
Il
ressort de nouveau l’importance de la relation à établir avec des personnes qui
vivent la même souffrance. C’est un pas vers la résilience, l’acceptation.
Puis,
il y a eu les regards éclairés de Boris
CYRULNIK, neuropsychiatre et spécialiste de la résilience.
Différents
points et/ou pistes ont été évoquées :
- Ou
bien on se soumet (= on se laisse mourir) ou bien on se rebelle (= reprendre un
degré de liberté
- Échec
ou on se remet à se préserver
- L’autisme
: avant on cachait les enfants, ils mouraient tôt maintenant on en parle, ils
meurent plus tard
- Même
quand on se remet à vivre, on garde une trace
- L’action
est un tranquillisant. L’autre vrai tranquillisant c’est la relation
- On
a des possibilités que notre culture nous as fait oublier pour mieux aller :
Culture de sédentaire
- Voie
de suppléance, pour les personnes qui perdent la vue trouvent d’autres moyens
de ressentir
- Faire
quelque chose de sa blessure
- Soutien,
affectif et sens : bêtises, banalités, invitation à dîner... valeur plus
importante
- Éprouver
le bonheur du sursis : le locataire Polanski
- Degré
de liberté, de responsabilité : choix d’agir, engagement
Pour conclure, c'est Stéphane Junique, président du groupe VYV, qui a clôturé cette soirée en appuyant des éléments importants évoqués tout au long du débat.
Pour conclure, c'est Stéphane Junique, président du groupe VYV, qui a clôturé cette soirée en appuyant des éléments importants évoqués tout au long du débat.
Manuela SEGUINOT
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