samedi 16 mars 2019

Le chemin vers l'autisme : l'art et la manière de concilier particularités et projet de vie...



Entretien avec Elise HUTIN


J’ai découvert votre livre « Sous un autre angle » avec surprise et plaisir car vous l’avez rédigé d’une manière peu commune à ce que l’on peut lire habituellement. Vous avez choisi de parler de l’autisme à travers le récit de plusieurs nouvelles.

-       Pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel et professionnel ?

Je vais comme par le professionnel. J'ai toujours voulu travailler dans le handicap, depuis mes 12 ans. Au lycée, j'ai passé les concours pour des écoles d'éducateur mais étant trop jeune, il m'a été conseillé lors des entretiens de faire 2 ans de faculté. Ce qui pour moi était inconcevable, mais j'ai tenté.

Très rapidement j'ai arrêté mes études, et cherché du travail dans l'animation ayant un BAFA. J'ai trouvé une association “j'interviendrais” qui propose des séjours pour enfants et adolescents autistes. Suite à un entretien rude, j'ai commencé dans cette association, dans laquelle je dis restée plus de 5 ans.

Ma vie privée m'a emmené à me poser et à trouver un autre emploi. J'ai essayé de travailler en structure mais en vain. J'ai donc postulé en tant qu’AVS dans le 94. J'ai occupé ce poste 3 ans. Grâce à cela j'ai rencontré une famille qui avait un jeune autiste de 8 ans qui m'a proposé un poste à domicile. Il y a 10 ans de cela. Ce type d'emploi était peu fréquent.

 Cette famille m'a fait découvrir l'ABA. À la suite de cela, je me suis formé à mes propres frais, et ils m'ont aidé pour quelques-unes. J'ai aussi fait une VAE de moniteur éducateur que j'ai obtenu.

Le système scolaire ne me convenant pas plus en écolière qu'en AVS, je me suis tourné exclusivement vers le domicile. Facebook a été pour moi la meilleure façon de trouver des familles et de me tenir au courant des bonnes pratiques et me former par de bons organismes

 J'ai actuellement 5 familles. J'accompagne des personnes de 4 à 20 ans. Certains sont scolarisés à temps pleins, mi-temps, d'autres sont en structure et un à domicile. Je continue de me former, je suis supervisée. Ce travail me correspond parfaitement et un vrai travail d'équipe a pu se mettre en place pour chacun d'eux, non sans mal pour certains. Je travaille à domicile depuis maintenant 10 ans, et dans l'autisme depuis 17ans. 

Les particularités de chacun et leur caractère permettent de ne jamais s'ennuyer et de toujours chercher de nouvelles approches, de nouveaux outils.

Plus les années avançaient et plus je découvrais l'autisme, son fonctionnement, ses particularités. Plus j'accompagnais et plus je me posais des questions sur moi-même. Je me reconnaissais dans certains traits.

 De même certaines choses, et particulièrement l'aspect sensorielle de chacun était une évidence pour moi. Je me suis donc posé beaucoup de questions à savoir si cela était lié au fait d'être immergé plus de 45h/semaines, ou si j'avais moi aussi des particularités. J'ai donc contacté le centre expert de Créteil afin d'avoir une certitude.

 Après des questionnaires, des tests et des bilans, le diagnostic est tombé autiste atypique de haut niveau avec une cohorte de petits plus… lors des questionnaires, et en discutant avec mon père, et faisant appel à mes souvenirs, certaines choses sont devenues plus clair pour moi.

Actuellement, je concilie mes particularités et mon travail afin d'en faire un plus tant que cela ne soit non plus une gêne. Toutes les familles avec qui je travaille, ou presque connaissent mon diagnostic. Je travaille avec certaines familles depuis 7ans. 

Un lien inévitable se crée. La plus longue prise en charge a été de 9 ans, et s'est fini pour cause de déménagement. C'est la première famille qui m'a fait confiance, qui m'a poussé et je ne les remercierai jamais assez.


-          Comment en êtes-vous venue à rédiger ce type d’ouvrage ? Pourquoi avoir opté pour l’écriture pour parler du handicap ?

L'un des jeunes que j'accompagne a eu une période avec une grosse phobie des poids lourd. La mère me fait un retour de ce que la psy de l'établissement a tenu comme propos à ce sujet-là. Et en me racontant, je me suis imaginé ce que ce jeune homme a pu comprendre de ce discours. Cela m'a tellement bouleversé que je l'ai couché sur papier.

J'écris des débuts d'histoires, des nouvelles depuis le collège, j'ai toujours rêvé d'écrire un livre qui serait publié.  Je me suis dit que l'occasion était devant moi. Pouvoir réaliser un rêve de gosse et sensibiliser les gens.

Je ne me suis pas posée beaucoup de questions. Ce livre s'est imposé à moi. J'ai laissé les idées venir. Me suis inspirée de chaque jeune que j'accompagnais, de ce que j'avais eu à l'association, et pour certaines nouvelles, elles sont complètement sorties de ma tête.

J'ai opté pour l'écriture car c'est pour moi le plus simple. Je ne suis pas à l'aise face à un publique et mon but est de toucher des personnes qui ne sont pas concernés par l'autisme. De ce fait un livre est plus accessible à ce public qu'une conférence.


Pourquoi avoir choisi le vaste sujet de l’autisme ?

Je ne l'ai pas choisi. C'est mon travail. Même si ce livre a été écrit avant mon diagnostic, cela restait mon quotidien. L'autisme m'a touchée en plein cœur et c'est devenu un sujet plus qu'important dans ma vie.

- On entend de nombreux discours concernant l’autisme, surtout pour ce qui concerne l’inclusion des enfants porteurs handicap, quel regard portez-vous sur l’inclusion ?

L'inclusion est importante, tant pour la personne porteuse de handicap que pour la société tout entière. Il y a effectivement les pro inclusion a tout prix, ceux qui pensent que chacun est bien dans son coin.

A mon sens l'inclusion ne peut être porteuse que si n’elle est pas imposée. A partir du moment où l'on impose quelque chose a quelqu'un, un sentiment de rejet sera prédominant. Peu importe ce qui est imposé. Alors dans l'humain, dans le handicap cela est encore plus fort. L'humain rejette ce qu'il ne connait pas.

Avant de pouvoir avoir une inclusion, il est nécessaire d'avoir une sensibilisation, une éducation à la différence, que la différence n'en soit plus une mais qu'elle soit assimilée comme un quotidien pour chacun.

Actuellement, c'est cette éducation en amont qui manque. De ce fait les enfants porteurs de handicap et particulièrement d'autisme arrive comme des cheveux sur la soupe.

Dans mon travail j'ai accompagné un jeune en centre de loisirs. Au départ, la mairie était réticente. Nous avons donc convenu que j'accompagne ce petit et gère le côté comportemental.

 J'ai durant plusieurs années amené cet enfant à grandir avec ses pairs, à mieux comprendre son environnement et interagir avec. Mais et surtout, j'ai parlé à l'équipe, j'ai appris à les connaître, je les ai laissé venir à moi pour les questions, je leur ai montré, expliqué comment faire.

Petit à petit j'ai pris mes distances avec le petit pour lui laisser de l'autonomie mais aussi avec l'équipe. Après 4 ans, tant le petit que l'équipe étaient prêt à être autonome dans leur relation réciproque.

L'inclusion ne peut se faire que si tous les partis sont consentant. Un enfant qui se sent rejeté ne voudra pas être avec les autres et fera tout pour ne plus y être. Logique !

-  Avez-vous le sentiment que les choses ont avancé depuis la loi de 2005 sur le handicap ?

2 lois existaient avant celle-ci. 1975, et 2002. Chaque loi vient compléter celle d'avant. Ce constat montre bien que les choses avancent peu ou pas.

Depuis 2005, certaines choses changent mais très doucement. Le changement le plus significatif à mon sens est le savoir des parents.

Aujourd'hui l'accès aux informations est plus simple, plus fluide et surtout plus accessible. Les parents étant armés de textes de lois peuvent faire valoir le droit de leurs enfants.


Selon vous, quelle serait l’urgence pour favoriser l’intégration des enfants porteurs de handicap dans « l’école de la République » ?

L'urgence se trouve dans la formation. Formation des enseignants de tout cycle, des AVS, des psy scolaire…. Bref de toute personne étant dans le système, personnels de cantine, infirmiers scolaire, médecin scolaire, enseignants référent… et je pourrais continuer ainsi...

Le besoin de formation ne se retrouve pas que pour l'inclusion à l'école mais dans la société en général.

Un besoin d'éducation au handicap et à la tolérance quel que soit la différence, handicap, origines, religion, sexualité est un besoin urgent dans la société française.

- Avez-vous de nouveaux projets en cours ?

J'ai deux projets en cours d'écriture :

- L'un est un témoignage sur les prises en charge que j'ai faite. J'ai axé le livre sur l'apprentissage de l'autonomie car il fallait bien choisir. C'est tellement dense une prise en charge.

- Le deuxième est un recueil de nouvelles portant sur l'inclusion justement. Ce que j'ai pu voir, entendre et vire en tant qu’AVS où lors de mes passages en classes dans le cadre des prises en charge à domicile.

 Il y aura autant du terrible, du triste que du drôle et du magnifique. L'école n'est pas que rejet et j'y ai rencontré des personnes extraordinaires.

Un troisième projet est aussi à venir mais chaque chose en son temps. Et il me faut trouver un éditeur pour que tout cela puisse prendre vit…



Propos recueillis par Manuela SEGUINOT

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