Entretien avec Vivien LAPLANE, auteur de "Sourd et Incertain
Je
découvre avec admiration votre livre « Sourd et Incertain »,
pourriez-vous nous parler de vous en quelques lignes et nous expliquer comment
en êtes-vous venu à l’écriture de cet ouvrage ?
Je suis un jeune entrepreneur de 37 ans, marié et j’ai une petite fille
de 2 ans. Je suis sourd de naissance, oralisant et appareillé.
J’ai été éducateur spécialisé, directeur de camps VTT, documentaliste,
animateur. Je fais du théâtre amateur depuis le lycée et j’écris beaucoup.
Depuis 2013, j’ai composé énormément de textes sur la surdité, avec de
la poésie, des témoignages, des réflexions et des nouvelles. C’est dans ce
cadre-là car j’ai réuni mes meilleurs textes dans un recueil.
Pour moi, c’est un aboutissement après différents modes d’expressions
que j’ai tenté tel par le théâtre et la vidéo.
A
qui s’adresse cet ouvrage ? Pourquoi avoir choisi Peter Patfawl pour
l’illustrer ?
Le livre s’adresse particulièrement aux entendants et à l’entourage des
personnes sourdes et devenus sourdes. Mais Il peut aussi toucher par les
personnes sourdes qui peuvent le transmettre à ses proches ou ses
collègues.
J’ai fait appel à Peter Patfawl car un dessinateur humoristique très
sensibilisé sur le handicap, car lui-même concerné. Et j’apprécie son travail et
son humour.
Nous
pourrions penser que nous sommes dans un tournant très conséquent concernant un
sujet de grande envergure : celui de l’inclusion. Qu’en pensez-vous ?
Qu’il y a encore du chemin à faire mais c’est assez positif malgré tout
avec toutes les initiatives locales qui se créent. Maintenant, il faut que cela
prenne de plus en plus d’ampleur et que le mot inclusion ne devienne pas un mot
fourre-tout et pour se donner une meilleure image.
Que l’inclusion devienne automatique et banale.
Comment
avez-vous vécu votre handicap jusqu’à aujourd’hui ? Avez-vous la sensation
que les choses ont évolués ?
De manière générale, je le vis bien. C’est surtout certains
environnements et le regard des autres qui peuvent me causer des lourdeurs.
Les choses évoluent mais y
encore du chemin à faire sur les droits de chaque personne et de son image qui
ne doit pas être que centré sur son handicap.
Il
n’est pas question pour moi de dire que vous êtes d’un « grand âge »
(rires !), mais je suis curieuse de savoir quelles relations aviez-vous
avec vos camarades de classe ? Le handicap était-il tabou ? passé
sous silence ?
Avec mes camarades de classes ? Je n’en avais pas vraiment.
C’était surtout sur le ton de la rigolade mais sans plus, pas vraiment de vrais
liens d’amitiés.
Le handicap n’était pas tabou
mais plutôt mis à l’écart et ignoré. Je m’entendais plus avec les professeurs,
l’infirmière du lycée à l’époque ou les bibliothécaires, et des pairs en dehors
du milieu scolaire, comme les enfants des amis de mes parents.
Dans
cette même période de scolarisation, avez-vous été suffisamment
accompagné ?
Très Légèrement je dirai. Mais très bien par mon environnement
familial. Je fus sans cesse soutenu par mes parents et mes frères.
Le
regard sur le handicap est parfois dur et cruel, encore aujourd’hui. Vous
choisissez l’humour pour l’évoquer, pourquoi avoir choisi cette
alternative ?
Parce qu’en revendiquant et en râlant, on braque les gens. Passer par
l’humour en abordant des choses sérieuses permet de dérider les personnes. C’est
plus un vecteur de lien social, de relations plus authentiques que les
revendications en peu brut.
J’ai
participé à une soirée « Ensemble pour une société plus inclusive »
où était convié les personnes sourdes grâce à la participation d’interprètes en
Langue des Signes Française. Initiative à mon sens trop peu mise en place.
Qu’en pensez-vous ? Quelle est votre expérience personnelle ?
C’est très bien qu’il y ait des interprètes en LSF, mais aussi le
sous-titrage et la boucle magnétique.
Il faudrait que chaque moyen de
communication soit pris en compte. Une société plus inclusive serait vraiment
prendre en compte la particularité de chacun avec ce qu’il est entièrement.
Vaste programme, sans doute utopique mais réalisable si on y met les moyens et
la volonté.
Avez-vous
des projets en cours ?
Oui un autre livre sur mon parcours professionnel et ce qui m’a amené à
entreprendre et à vivre de mes passions.
Et continuer à proposer mes conférences-théâtralisés et de participer à
des tables rondes sur la question du handicap en société de manière
humoristique et pragmatique.
Propos reccueillis par Manuela SEGUINOT
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