Entretien avec Peter Patfawl
Vous êtes illustrateur de livres traitant
sur des sujets sociétaux importants tels que le handicap et l’autisme, comment
en êtes-vous venu à parler de ces sujets encore sensibles ?
En
effet, c’est des sujets lourds. Mais je suis dessinateur de presse et de BD à
tendance « Charlie Hebdo » et c’est avant tout mon humour. Tous les sujets
graves me font réagir et j’ai envie d’en rire.
Rire du
GPS, ça fait rire 2 minutes mais ça ne me touche pas plus que cela. Rire de la maladie, se faire du bien là où
cela fait mal, c’est mon truc. Je suis très Desprogien et comme le tabou
m’emmerde, j’en parle !
Ensuite, il y a mon vécu d’handicapé des rotules (Voir ma
BD « carnet de santé ») qui m’a ouvert les portes du handicap. Il y a quelques années, on n’en parlait pas
et encore moins en BD. Tout le monde fuyait. Alors je suis arrivé dans un
désert. Maintenant les BD arrivent mais voilà, les sujets de ce genre, il faut être
dedans pour en rire.
Je suis tombé sur une interview d’Olivia Cattan sur Canal
plus et j’ai compris que l’autisme était encore mal vu. J’ai milité avec elle
et je suis tombé sur ma nouvelle compagne, dans le combat.
Elle avait deux enfants dont un autiste épileptique. J’en
suis maintenant le beau-père. L’autisme est donc un sujet de mon
quotidien et le handicap c’est toute ma vie. Mais je ne traite pas que le handicap.
Je vais sortir dans quelques semaines, un manuel satirique
sur le populisme. Encore un sujet difficile ! Mais j’aime ça. C’est très
intéressant sur le plan artistique et ça fait avancer le monde.
L’autisme fait peur alors que les plus concernés
savent que c’est surtout le fait de ne pas connaître ce handicap. Quel message
avez-vous voulu faire passer à travers vos deux ouvrages sur l’autisme ?
Pourquoi avoir choisi cette thématique ?
Je me suis baladé un jour avec mon beau
fils dans le bus et j’ai plusieurs remarques insultantes, ce jour-là. Je me
suis dit, il faut faire une notice pour que les gens comprennent comment
fonctionne mon beau fils. J’ai dit cette boutade à une amie
éditrice, elle m’a dit : je t’édite ce manuel... Il faut le faire !
Alors
j’ai bouclé ce premier manuel avec ma femme, en 4 mois chrono. Avec une boule
au ventre ! C’était chaud mais enrichissant ! Et quand on a vu l’engouement des
parents et des lecteurs tout court, on a compris qu’il y avait une demande
énorme.
Le but était de combiner dessin et textes
pour toucher même ceux qui n’aiment pas lire. Pédagogique et universel tout en
tirant sur les faux clichés et les stéréotypes et autres rumeurs. Histoire de
nettoyer tout ça à coup de feutre ! L’humour
est salvateur lorsqu’il est fait comme ça.
Et nous avons eu une demande des parents et professeurs pour
en faire une version enfant. Voilà pourquoi le petit manuel est né quelques
mois après. En un an, on a édité 2 manuels illustrés ! c’est assez rare et
énorme quand on y pense ! Et encore actuellement, il s’en vend tous les jours. Preuve
qu’on en a besoin tout le temps !
Certains libraires disent que nous avons inventé un style
car d’habitude dans les manuels, ce sont des illustrations qui sont très « neutres
» hors les miens sont des dessins d’humour de type « presse » qui se moque des
travers et des comportements humains.
Alors du coup avec les
textes pédagogiques simples et ce mélange de dessins d’humour, ça fait un style
qui touche tout le monde. (Enfin qui essaye, en tous cas !)
Les associations ont déjà fait beaucoup de travail sur le
terrain mais le grand public ne connait pas tout ça. Ou peu. Alors mon travail
est un travail de passeur d’informations. Je remets les choses à plat,
j’explique en vulgarisant la science et je donne le minimum à savoir au lecteur
qui souvent ne veut pas se taper des gros pavés.
L’humour peut aussi servir à ça. Dénoncer et informer !
Voilà à quoi servent ces deux manuels. Aux adultes et adolescents et aux
enfants et tous les gens qui fréquentent dans leur travail ou dans leur
famille.
Dédramatiser et expliquer le côté pratique. Je vais souvent
dans les écoles pour sensibiliser avec le petit manuel, les enfants se posent
beaucoup de questions saines et veulent comprendre. Alors ce petit manuel est
hyper intéressant pour l’inclusion scolaire et dans les centres de loisirs. Il
faut que ce monde avance... Par la connaissance !
La différence et plus particulièrement le
handicap sont très difficile à accepter dans notre société, selon-vous pourquoi
? Que pourrait-on faire pour que ce ne soit plus le cas ?
La peur
et la méconnaissance. Il faut faire lire ces deux manuels aux 60 millions de
Français... (Et je suis sérieux !) Pour le handicap, c’est juste un manque de
bienveillance et de normes. Il faut rentrer dans des cases sinon cela fait
peur. Beaucoup pensent cela et ça c’est bien triste ! On est tous différents
!
Des lois importantes comme celle de 2005
ont vu le jour pourtant, nous sommes encore très loin de l’inclusion tant
promise. Qu’en pensez-vous ?
La France écume 40 ans de retard en
matière d’handicap. Le gouvernement actuel fait ce qu’il
peut (mais contrairement sous l’ère d’Hollande, ce gouvernement veut bouger !)
mais nous avons des gaulois réfractaires
en psychanalyse et de personnes qui ont peur de la différence dans l’éducation
Nationale donc nous avançons doucement... (Trop à mon gout) mais c’est la
France !
Vous avez choisi l’humour et le dessin
pour évoquer des sujets très délicats, pourquoi ? Qu’est-ce que cela vous
apporte ?
Tout
d’abord, c’est mon métier. Je dirais même plus (comme dirait Dupont avec grand
T) c’est mon langage.
Je suis
né avec, je mourrais avec. J’aime parler aux gens avec mon feutre. Je trouve
que ça apporte une légèreté, on peut aller loin ou synthétiser, rire,
expliquer, montrer des partis de nous. Le dessin c’est tirer des traits et
avoir des traits tirés. C’est magique de parler à tout le monde ! Ça enrichis
ma vie.
Surtout qu’avec ce début de succès après 8 ans
de galère et de petites ventes, je me retrouve partout en librairie et je
touche davantage de lecteurs, ça fait du bien ! Être lu c’est le plus beau
métier du monde.
Dur, on
n’a pas le droit au chômage et je n’en vis pas encore entièrement mais ça fait
un bien fou. Et
faire rire les gens, ça aussi ça fait du bien. Mais ce qui me plait encore plus
c’est de réussir à convaincre le lecteur, de changer de point de vue.
Plusieurs fois, on m’a raconté que le manuel illustré sur
l’autisme a fait changer d’avis des grands parents ou des pères qui niaient
l’autisme de leur enfant et suite à cette lecture changent totalement
d’attitude.
C’est dans ces moments-là, que je me dis que j’ai gagné
quelque chose. Ça sera comme avec mon manuel sur le populisme qui sort
bientôt. Comme c’est un manuel politisé, je ne pense pas que j’arriverai à
faire changer les racistes totalement mais au moins si cela peut être une piste
pour faire réfléchir, je m’en contenterai ! On ne peut pas sauver tout le
monde hélas ! (Rire)
Vous êtes le beau-père d’un enfant
autiste, les affres des administrations est un point à améliorer en urgence,
quelle a été votre expérience personnelle. Beaucoup de familles se sentent
seules et démunies face au combat d’accompagnement qu’elles doivent mener,
quels conseils pourriez-vous leur donner ?
Oui,
sujet épineux en effet. L’administration est bien trop lourde. Il faut
l’alléger, l’enfant ne peut pas faire un pas sans devoir demander une
notification MDPH ! Et tous les ans, on demande aux parents de refaire un
dossier pour être certain que votre fils est encore autiste. C’est absurde !
Il faut alléger cela, faire un statut d’aidant
familiale aussi. S’il n’y a pas d’autres moyens que les parents s’occupent un
moment de leur vie de leur enfant chez eux, qu’ils aient au moins un statut
d’aidant familiale avec des avantages et pas d’embrouilles à avoir ! C’est
scandaleux !
Pour les parents, je leur conseille de
rejoindre une association locale et de tenter de lire un maximum d’informations
sur les droits de leur enfant et d’eux même. En effet, beaucoup se sentent
seules et ce n’est pas normal.
Alors il
faut lutter encore et encore ! Oui il y a beaucoup de papiers à faire. Et parfois les MDPH sont
blindés de monde et de travail, c’est comme Pôle emplois et les autres... Handicap et administration, ça ne fait pas
bon ménage ! Alors je vous dis mes chers parents : courage !!!
Quels publics sensibilisez-vous à travers
vos livres ?
Je
veux sensibiliser tout le monde. Je dessine pour les 60 millions de français.
Avez-vous des projets en cours ou à venir
?
J’ai
toujours plein de projets de livres. En octobre, ça sera probablement sur
l’antisémitisme et l’homophobie, toujours chez La boite à Pandore édition. Un
recueil avec 10 ans de travail autour de la santé et l'humour.
Cela
sera un recueil de strips et dessins d'humour parfois noir sur la santé et le
handicap et qui s'appellera "Humour de malade". Une sorte de cadeau
de convalescence pour les malades et les médecins et qui paraitra dans l'année
chez Veda Edition.
Les
lecteurs du petit manuel réclament une série BD avec mes personnages de Max et
Sacha, qui paraissent dans ce manuel. Alors je suis en train de négocier pour
avoir un vrai contrat d’édition BD afin de me consacrer à cette future série
BD. Je voudrais en vivre pleinement. Ça commence mais il faut continuer à
avancer.
Ça fait
dix ans que je galère, mais je patiente ! Je continue mes commandes avec mon
agence Talentéo, dans les entreprises pour sensibiliser les salariés au
handicap.
Je
continue à sortir une planche par jour sur mon blog BD "Bim dans
l'aidant" et des articles de fond sur le blog "Les baobabs ». Et je
continue à m’occuper de mes beaux enfants et de ma compagne tout en créant de
nouveaux projets.
Propos reccueillis par Manuela SEGUINOT
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire