J’ai
lu avec beaucoup de plaisir « Ma fille voulait mettre son doigt dans le nez
des autres », de Maxime Gillio. Superbe déclaration d’amour d’un père à sa
fille.
Au
fil des pages, on ressent à quel point il est important pour ce papa d’entrer
en contact avec son enfant. Il se livre sans filtres mais aussi, avec émotion
et sincérité. J’ai été bouleversée par le récit de leur histoire du début à la
fin, les mots résonnent encore en moi tellement ils sont forts de sens.
1/ Votre livre « Ma fille voulait mettre son doigt
dans le nez des autres » est un témoignage important concernant les
barrières de communication pouvant se dresser sur notre chemin de parents
d’enfants « différents ». Comment en êtes-vous venu à l’écriture de
ce récit de vie ?
Ce projet n’en était pas un au
départ, du moins, pas éditorialement. L’une des caractéristiques de l’autisme
étant la difficulté à entrer en communication avec l’autre, ma fille Gabrielle
passait beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, plus virtuels, donc plus
rassurants.
J’ai donc créé une page Facebook dédiée, sur laquelle je
m’adressais à elle, évoquais des souvenirs, des sentiments, des appréhensions,
bref, j’établissais un échange virtuel. Mais il n’y avait à l’époque aucune
préméditation éditoriale.
2/ L’idée de départ étant de créer une autre forme
d’échange avec votre fille, selon vous, pourquoi cette initiative de votre
part, a pris une telle ampleur ?
Très égoïstement, je pensais n’intéresser
personne avec cette page Facebook, puisque je parlais à ma fille, de notre
vécu. À part de la famille éloignée et quelques amis la connaissant, je pensais
que ce serait un sujet autocentré. Mais il est vrai que cette page a pris de
plus en plus d’ampleur au fil des publications, jusqu’à ce qu’on me fasse
remarquer que là où je pensais que Maxime Gillio parlait autisme avec sa fille
Gabrielle, c’étaient en réalité les interrogations d’un père lambda quant au
devenir de son enfant.
Ce livre n’est donc pas un livre sur l’autisme. C’est
juste une déclaration d’amour d’un père à sa fille qui, ma foi, se trouve être
un peu différente. Mais n’importe quel parent, quel que soit le profil de son
enfant, se retrouvera dans mes souvenirs.
3/ Il est assez rare de lire de telles déclarations
d’amour d’un père à sa fille dite « différente ». La vôtre est pleine
de tendresse et de sincérité, pas de filtres. Comment avez-vous vécu l’écriture
de cet ouvrage qui, au départ n’était absolument pas prévu ?
Honnêtement, si on m’avait dit au
départ que ce projet aboutirait à une publication, sans doute aurais-je été
bloqué, ou en tout cas freiné dans l’expression de ma sincérité, n’ayant pas
l’habitude de mettre ainsi mon cœur à nu en public.
C’est d’ailleurs tout le paradoxe
de cette aventure : l’homme pudique que je suis a exprimé ses sentiments
sans filtres, au vu et au su du plus grand nombre, en s’imaginant que peu de
personnes les verraient !
4/ On ressent parfois votre désarroi face à la
méconnaissance de l’autisme et les dysfonctionnements que cela engendre.
Avez-vous le sentiment que les choses ont évolué ?
Qu’il y ait une prise de
conscience, oui. J’ai pu constater l’évolution depuis une dizaine d’années (il
était temps). Le souci selon moi est que cette prise de conscience est
populaire (les gens sont de plus en plus au courant de ce handicap),
médiatique, voire artistique (il n’est qu’à voir les émissions ou programmes
avec des autistes), mais – comme d’habitude –, elle n’est pas politique ni
médicale. Ce qui est un comble.
Donc les familles sont bien parties pour
galérer encore des années, avant que la nécessité d’une refonte complète de
l’approche de l’autisme soit entendue par nos dirigeants. Il va sans dire que
je crois mille fois plus en des actions individuelles et populaires, qu’en une
vraie prise de responsabilités de l’État.
5/ Vous revendiquez le fait que votre livre n’évoque
pas l’autisme mais, qu’il est le récit de vie de votre parcours
« père-fille ». En quoi d’autres familles peuvent-elles se reconnaître ?
Je vais préciser mon
propos : bien sûr, l’autisme est présent dans ces pages, à travers
quelques anecdotes « spécifiques ». Mais je pense qu’en réalité, mes
préoccupations sont avant tout celles d’un père soucieux du bien-être et de
l’avenir de son enfant, quel que soit son profil. Il se trouve que mon enfant
est différent, certes, mais eût-il été en surpoids, adopté, malentendant, ou
que sais-je encore, mes interrogations resteraient les mêmes.
Quel père ne se
soucie pas de savoir si sa fille arrivera à être heureuse dans sa vie
amoureuse, bien dans ses baskets et autonome ? Quel parent ne se remémore
pas avec nostalgie et émotion des anecdotes de la petite enfance ? En
réalité, je suis un père normal, soucieux de l’avenir de ses trois enfants.
Mais
il se trouve, il est vrai, que la différence de l’une d’entre eux rend
certainement ces interrogations plus aigües. Mais vous savez, j’ai eu des
témoignages de lectrices – et j’insiste, de lecteurs aussi – qui m’ont avoué
avoir pleuré en lisant mon livre, alors que leurs enfants ne souffrent d’aucun
handicap ou marqueur social. Preuve s’il en est que mon livre est lisible par
tout le monde.
6/ Le handicap est encore un sujet très épineux
pourtant, de plus en plus de familles font le récit douloureux de leur
quotidien. Selon vous, pourquoi nous trouvons-nous dans une telle
situation ?
Mais parce que bien souvent, les
familles se sentent abandonnées, tout simplement ! Abandonnées par l’État
dont le seul souci, en matière de Santé, est de faire des économies, là où au
contraire il faudrait redéployer des moyens, financiers et humains,
considérables. Et ce, quelle que soit la nature du handicap.
Vous savez,
Gabrielle est chanceuse : elle est élevée dans un foyer aimant, qui a très
vite passé le choc de l’annonce de son handicap pour prendre les choses en
mains. Nous sommes une famille que l’on pourrait qualifier d’intellectuelle,
sans soucis financiers, urbaine et assez au fait des possibilités – même
restreintes – qui existent.
Je sais remplir un dossier et un projet de vie pour
la MDPH en sachant sur quels leviers appuyer, je travaille à la maison, ma
femme est enseignante et a pu accompagner Gabrielle dans sa scolarité, nos
familles et amis sont bienveillants et présents, bref, nous ne sommes vraiment
pas les plus à plaindre.
Eh bien malgré cela, nous attendons depuis plusieurs
mois une simple autorisation de ladite MDPH pour que Gabrielle, actuellement
déscolarisée, puisse effectuer un stage en ESAT de quinze jours. Pas une
notification d’orientation définitive, non, juste un papier pour qu’elle
effectue un stage d’observation. Alors imaginez un enfant autiste, élevé seul
par sa mère, qui galère à subvenir à leurs besoins, en milieu rural ou éloigné
des structures médico-sociales.
Bref, je ne veux pas vous la jouer Victor Hugo
ou Veillée des chaumières, mais oui,
les familles se sentent abandonnées. Et je ne jette évidemment pas la pierre
aux professionnels sur le terrain qui, les pauvres, se débattent avec de plus
en plus de dossiers et toujours aussi peu de moyens pour les traiter.
Le jour où les familles seront
invitées à la table des négociations, on en rediscutera. Et je vais même aller
plus loin : TOUTES les familles. Car je suis consterné de constater – pour
ne parler que de l’autisme – que dans ce combat qui devrait être commun, on
établisse encore des hiérarchies entre les types d’autismes, et que la parole
soit toujours accaparée, voire kidnappée, par les mêmes personnes. Eh oui,
l’autisme aussi est un business…
7/ On veut nous vendre de l’inclusion sous toutes ses
formes sans réelles avancées. Comment se passe la scolarité de Gabrielle ?
Elle se déroule avec des hauts et
des bas. Une inclusion parfaite tout au long de son école primaire, puis trois
premières années de collège extrêmement difficiles, en dépit d’un dispositif
d’accompagnement. Un nouveau collège où elle a obtenu son brevet avec mention
bien, un début de lycée avec une super équipe, mais malheureusement, nous avons
dû arrêter en janvier sa 1ère générale.
La marche était vraiment
trop haute au niveau des acquis et des exigences, et on risquait de verser dans
la phobie scolaire. Nous sommes donc en train de plancher sur sa réorientation
pour la prochaine rentrée.
Mais en matière d’inclusion, mon
verdict est sans appel : je crois davantage aux bonnes volontés
individuelles qu’aux dispositifs. L’idéal étant bien sûr les deux couplés.
8/ Quel conseil pourriez-vous donner aux familles qui
se sentent seules, démunies, face aux difficultés qu’elles rencontrent ?
Parler ! Parler à tout prix,
échanger, discuter, se confier. Ce n’est pas toujours chose facile, mais
libérer la parole, outre que ça fait du bien à l’âme et au cœur, permet aussi
de se rendre compte qu’on n’est pas tout seuls, et qu’échanger les expériences
peut être profitable.
Par exemple, c’est en discutant avec une maman des
difficultés que Gabrielle rencontrait dans son premier collège qu’elle nous a
parlé de l’établissement dans lequel se trouvait son fils, lui-même autiste.
Nous y avons transféré Gabrielle, et pendant deux ans, elle a pu suivre une
scolarité normale et décrocher son brevet. Nous avons tous des outils de notre
côté, il faut absolument pouvoir les mettre dans une boîte commune.
9/ Comment se porte Gabrielle ? La communication
est-elle plus simple ?
Après la libération de ne plus
aller au lycée ont succédé l’ennui et le désœuvrement. Il lui tarde d’être
fixée sur son avenir proche (merci la MDPH…), et rester seule à la maison avec
papa n’est pas forcément la chose la plus motivante du monde. Donc ce n’est pas
la foire aux effusions en ce moment, mais on ne perd pas espoir, nous n’avons
pas le droit, et nous trouverons ensemble une solution qui lui corresponde pour
la rentrée.
10/ Y aura-t-il une suite de « Ma fille voulait
mettre son doigt dans le nez des autres » ?
A priori non. J’ai commencé la page quand Gabrielle avait treize
ans, et le livre est sorti quand elle en a eu seize. Elle en a maintenant
dix-huit, et c’est une jeune femme, avec ses soucis de jeune femme et son
intimité, que je ne veux dévoiler en parlant à sa place. C’est à elle de
raconter le livre de sa vie, maintenant.
MON PETIT FILS AUSSIEST AUTISTE TRES INTERESSANT DELIRE LES ARTICLES
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