dimanche 8 septembre 2019

Quand l’utopie rime avec la poésie




1/ On peut lire que votre parcours a été long et sinueux, que vous n’avez jamais lâché prise et qu’il vous est indispensable d’avancer ainsi. Pouvez-vous nous parler de vous en quelques lignes ?

Je ne comprends pas bien la question. Le lâcher prise est un concept en soi, parfois un but à atteindre (et je crois y arriver périodiquement, même si ma vie actuelle, depuis le lancement du projet "Kalune", ne laisse guère de place pour une vie privée digne de ce nom).
Sinon, je suis un humain, né en France dans les années 80, donc faisant partie des 1 ou 2 % des plus privilégiés sur notre jolie planète. Et la vie est m'a appris qu'elle ne tenait à rien, et qu'il fallait tout faire pour la préserver. Je suis donc aujourd'hui conscient que nous sommes la dernière génération avant l'effondrement imminent de notre civilisation, et également les dernier(e)s à pouvoir agir concrètement pour tenter d'adoucir l'impact de cette chute à venir (et déjà en cours sur plusieurs endroits du globe).


2/ Vous dénoncez en chanson, avec force et conviction, de nombreuses causes. Vos mots sont percutants, touchants et émouvants à la fois. Comment en êtes-vous venu à l’écriture de textes musicaux ?

J'écris depuis que j'ai lâge de tenir un stylo. Dans les années 90, alors que j'étais adolescent, mes poésies sont devenues des raps, et c'"est ainisi que j'ai "basculé" dans l'écriture de textes musicaux.

3/ Vous avez fait de votre différence une force incroyable. On peut aisément ressentir à travers vos textes l’énergie, la volonté qui vous anime face aux regards portés sur des sujets de grande envergure comme l’écologie. Quelles sont vos sources d’inspirations ?

Mes inspiratioons sont multiples et diverses, mais l'injustice est sans doute la source de mon besoin d'expression. Aujourd'hui, la première victime d'injustice étant la nature, il va de soi que je tente humblement de prendre sa défense. J'admire les personnes qui se sacrifient pour ce combat nécessaire, les militants, les résistants, et celles et ceux qui n'ont pas peur d'abandonner leur confort pour tourner définitivement la page du capitalisme, et celle de la civilisation industrielle.

4/ Une chanson émerge de votre vécut en tant que personne avec handicap : « Toute ma différence ». De la souffrance, aux changements radicaux d’une vie en passant par les regards portés sur le handicap, les étapes les plus difficiles y sont évoquées avec une rage impressionnante. Pourtant, ce n’est pas un sujet que vous évoquez souvent, pourquoi ?

Cette chanson a plus de dix ans. Aujourd'hui, je ne souhaite plus spécialement parler de ça, car il y a des milliers de sujets tellement plus importants. Je défends un modèle social tout autre, dans l'entraide, dans le partage, en lien avec la terre et dans le respect du vivant. La question du handicap se pose aujourd'hui dans un contexte, qui est celui de notre société. Et puisque je suis fondamentalement contre le maintient de ce contexte, je ne souhaite pas me battre pour l'acquisition de mini avancées sociales qui ne changeraient rien au problème de fond. Je pense qu'il faut changer profondément et radicalement notre modèle social, et dans la projection d'un autre Monde, et seulement dans ce cas précis, je me sens absolument ouvert et prêt à débattre du sujet.

5/ Ne pensez-vous pas qu’il y a encore beaucoup à faire, à dire, sur ce sujet qui met de plus en plus de personnes en retrait et en grande souffrance dès le plus jeune âge?

Encore une fois, je suis désolé.... Mais je n'ai pas ce rapport là au handicap. Bien sûr qu'il y aurait beaucoup à en dire, et à faire.... Tout comme il y a beaucoup faire pour les enfants qui bossent en Chine ou au Bengladesh pour notre confort, beaucoup à faire pour l'accueil des réfugiés, pour les femmes battues et même les droits des femmes en général, et contre les millions d'injustices qui forment le socle garant du capitalisme patriarcal. Les combats à mener sont multiples, et je ne pense pas que le fait d'être en fauteuil roulant soit une raison suffisante pour parler de ça, au contraire. Je pense qu'on aurait tout à gagner à élargir nos combats, et à se battre pour l'autre, et non pour soi et les siens.

6/ J’ai découvert avec plaisir votre chanson « La machine à fabriquer des nuages » que vous interprétez en duo avec une jeune fille. Vous y abordez de nombreux sujets sociétaux, pourquoi avoir choisi la parole d’une enfant ?

C'est étrange, c'est le deuxieme morceau dont vous me parlez, et celui-ci aussi a une dizaine d'années. J'avais envie, sur un titre, de toucher les enfants. Cette envie est toujours présente, et je pense même à faire un album pour enfants, autour des plantes , de la terre, des insectes, en bref des sources de la vie, pour les ramener à ce qui est essentiel, selon moi (et accessoirement pour faire le travail que l'éducation nationale ne fait pas).

7/ L’inclusion sous toutes ses formes est une parfaite utopie faisant trembler les principaux concernés qui continuent de souffrir en silence. Que ce soit pour les enfants, les jeunes en devenir ou les adultes, le combat est aussi cruel pour les uns que pour les autres. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

Le principe d'exclusion, comme celui d'exploitation de l'autre, est inhérent au capitalisme. Des enfants meurent dans des mines pour que l'on puisse avoir un téléphone portable, ou autres objets inutiles. Voilà pourquoi mon point de vue sur le sujet est "radical" (ce qui signifie "prendre les choses à la racine") et que je souhaite la fin du capitalisme, le plus rapidement possible. Notre Monde actuel est source d'exclusions, de malêtre, il n'y a qu'à voir les chiffres de consommation d'anti-dépresseurs pour s'en rendre compte. Les noyaux familiaux ont explosé, la vie citadine pousse à l'individualisme et à l'isolement... J'oppose à ça un mode de vie plus sobre, plus simple, en communauté, où l'entraide sera essentielle au bonheur individuel et collectif.

8/ Je le demande souvent car, je crois que l’isolement, la solitude, sont une forme de souffrance d’une extrême violence. Vous avez pour vous l’écriture de vos textes pour mettre des mots sur des maux. Quels conseils auriez-vous pour ne pas sombrer davantage et tenter de mieux vivre avec sa différence ?

Déjà, cesser de parler de "différence", qui induit qu'il y a une norme, et préférer parler de "singularité". Ensuite, si j'ai un seul conseil à donner aux personnes en souffrance, c'est de ne pas suivre les recommandations medicales, qui sont le fruit d'une medecine occidentale régie par des multinationales appelées "laboratoires pharmaceutiques". Il en va de même pour les recommandations "sociales". Donc, vivez, plantez-vous (c'est en se plantant qu'on finit par pousser), écoutez votre coeur, inventez vos propres règles. Ne demandez pas votre chemin, trompez-vous (c'est là que se cache le bonheur, il me semble).

9/ Enfin, quels messages voulez-vous faire passer à travers vos chansons ? Quels en sont les destinataires ?
Les destinataires sont celles et ceux qui veulent bien écouter mes chansons. Et tous les êtres humains vivants sur cette planète.
Quand au message, c'est un message d'urgence absolue. Nous vivons actuellement la sixième extinction de masse, et le capitalisme est parti pour tout détruire, jusqu'au dernier arbre, jusqu'au dernier oiseau, jusqu'au dernier poisson. Nous n'avons d'autres choix que d'entrer en résistance face à l'écocide en cours. Les actions individuelles ne suffisent pas. Plus nous serons nombreux, et plus nous aurons une chance de sauver ce qui peut encore l'être. Nous nous devons d'agir.... Maintenant.

Manuela SEGUINOT

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