vendredi 29 mars 2019

REBONDIR : des parcours de vie qui déroutent…




J’ai eu la chance de participer à la soirée débats organisée par Libération hier, Jeudi 28 Mars 2019, intitulé « REBONDIR » aux côtés de Juliette Lacronique, fondatrice de la plateforme eNorme et de Christophe Axel, fondateur du Pôle SAP (Aux côtés des aidants familiaux, service à la personne).

Pourquoi « REBONDIR » ? Parce que le fil rouge de cette soirée était de croiser les regards et les expériences de vie suite à des épreuves douloureuses telles que la maladie, les accidents ou le deuil. Tous ces cheminements mènent à un moment donné à une forme de résilience.

Mais qu’est-ce que la résilience ? La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique pour ne plus, ou ne pas, avoir à vivre dans la dépression et se reconstruire d'une façon socialement acceptable.

Vaste programme qui peut s’avérer difficile à admettre lorsque l’on se retrouve acteur, accompagnant ou encore victime d’un accident de la vie. Nul n’est à l’abri, raison pour laquelle il me semble important de se confronter à ces situations et d’échanger afin de ne pas se sentir seul pour affronter tout cela.

Nous avons eu la chance de découvrir des expériences de vie touchante et éprouvante mais tellement enrichissante humainement.

C'est Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de "Libération", qui a fait l'introduction de ce grand débat et a fait la présentation des  différents intervenants.







Tout d’abord Elisabeth Quin, journaliste sur Arte qui se livre sur la problématique qu’elle rencontre à savoir l’apparition un glaucome engendrant une diminution de la vue.
Elle nous raconte avec émotion le ressenti éprouvé lors de l’annonce du diagnostic qui s’est faite de manière lapidaire et froide. Puis, énumère les différentes phases par lesquelles elle est passée avant la résilience :

-       Le déni
-       Période où elle a embrassé la maladie
-       Le besoin d’être pris en charge, qu’on vous sauve
-       Le besoin de vouloir tout savoir sur la maladie 
-       Le besoin d’avoir plusieurs avis (3/4 médecins)
-       La saturation des informations
-       La difficulté à prendre des décisions 

Elle évoque ensuite, le fait d’avoir dû assimiler qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’avancer, d’accepter la maladie.  « C’est dans ces moments-là qu’on se rend compte qu’on a une capacité d’adaptation et de plasticité incroyable. » « Plus je suis accablée, plus je m’allège. Double mouvement à l’intérieur de moi et je vis avec cette situation absurde. » 

Elle nous signifie l’importance que représente le fait de se sentir utile, d’agir en permanence et de témoigner avec humour et autodérision pour ne pas flancher. 
Témoigner pour le dépistage et informer est primordial pour éviter ces « accidents de vie » qui bouleverse l’être humain en profondeur mais aussi rencontrer des personnes qui vivent la même situation au sein d’associations.





Vient ensuite le témoignage bouleversant d’Eglantine EMEYE, animatrice TV et maman de Sami, jeune garçon de 13 ans polyhandicapé.
Sami vit dans un centre spécialisé depuis près de 5 ans, car il était impossible pour cette maman de voir son enfant souffrir autant et se sentir impuissante : « J’ai des difficultés, je ne suis pas parfaite. J’ai compris que je ne suis pas la meilleure personne pour s’en occuper sur le plan médical mais que, j’étais une maman faite pour faire des câlins et jouer et pas pour le stimuler toute la journée. »
« J’ai accepté que ma vie ne sera pas parfaite, que la vie n’est pas quelque chose de parfait. La vie de mon fils n’est pas parfaite et les accidents font partis de la vie. »

Elle nous raconte que son quotidien pendant 8 années était de dormir 3h par nuit et de maintenir Sami afin qu’il ne s’inflige pas de coups. « Je ne pensais pas être aussi solide, combative, endurante, la fatigue laisse des traces… » 

« Dans l’épreuve le corps humain, l’être humain à des ressources insoupçonnées et j’ai eu la chance d’avoir voulu continuer à travailler, ça m’a beaucoup aidé. » 

Etant maman moi-même, il m’est vraiment difficile de me dire que nous pouvons ne pas être la bonne personne pour s’occuper de son enfant. Pourtant, avec du recul et le témoignage d’Eglantine, on se dit que le cheminement de cette maman est incroyable. Le terme de « résilience » prend alors tout son sens. 

Elle a pris une décision qui pourrait paraître inconcevable pour n’importe quel parent et pourtant, cela semble être la bonne décision pour cet enfant en souffrance.

Eglantine a pour autant besoin d’échanger avec d’autres familles qui vivent la même situation. Raison pour laquelle elle a créé une association « Un pas vers la vie », écrit un livre intitulé « Le voleur de brosses à dents » et milite activement pour le handicap.

La solitude dans laquelle elle se trouvait s’est estompée et, elle nous confie que pouvoir échanger est indispensable pour avancer : « Plein de côtés humains ressortent en moi grâce à l’association. Les échanges sont primordiaux, il faut remettre de l’humain et de l’humour dans cette situations douloureuses. »

J’ai eu de nombreux frissons tout au et long du témoignage de cette maman qui admet avec franchise et bienveillance ne pas être parfaite, ne pas pouvoir s’occuper de son enfant en permanence. 

Pourtant, par d’autres moyens que ceux d’une maman qui est auprès de son enfant quotidiennement, elle se bat pour que, Sami et beaucoup d’autres enfants puissent être pris en charge du mieux possible.





Nous rencontrons ensuite Mara GOYET, écrivaine qui nous fait le récit du combat qu’elle mène aux côtés de son papa atteint de la maladie d’Alzheimer.

Ce Monsieur est placé dans un EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour personnes Agées Dépendantes). Elle nous livre ses difficultés à accompagner son père au quotidien contrairement à sa maman et sa sœur. Pour elle, l’arrivée dans cet établissement est difficile : « On a peur de faire une découverte macabre tant que l’on n’a pas retrouvé son proche. Je ne regarde pas les autres résidents, ça m’est insupportable. Je suis consterné par mon manque de courage. »

Pourtant, Mara a écrit un livre « ça va mieux, ton père ? », l’écriture de cet ouvrage est sa manière à elle d’apporter sa pierre à l’édifice de l’accompagnement de son « Papa chéri ». D’ailleurs, elle nous livre avec émotions le retour de sa maman qui l’a remercié d’avoir eu le courage d’écrire les choses qu’elle ne voulait pas voir.

Ce témoignage est la preuve qu’il n’y a pas de recette miracle, toute faite, pour accompagner un proche. Chacun vit les choses différemment et agit en fonction de ses capacités à rebondir face à un accident de la vie.
L’important c’est d’être présent à sa manière, sans que cela soit imposé et deviennent une obligation. La notion de relation est très importante et ne doit pas être abîmée par un sacrifice.







Le témoignage suivant est celui d’Olivier BONAVENTUR, dirigeant du centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles « KERPAPE » dans le Morbihan.

Le centre accueille des personnes ayant vécu des traumatismes graves. Il nous livre avoir fait le choix de l’humain à 200% et de la rencontre au sein de son centre.

Il nous explique que les centres de rééducation sont des lieux qui font peur aux patients et à leur famille pourtant, la majorité des accidentés rebondissent et repartent avec un nouveau projet de vie.

« Des liens se tissent entre les personnes du centre, ils s’entraident et sont animés par la même conscience de vie. Ils ont une présence au monde difficile à atteindre : se reconstruire ce n’est pas que marcher ou manger à nouveau, il y a leur nouveau projet de vie (travail, prothèse, avenir…). »

« Nous avons des sexologues présents au sein du centre car c’est un accompagnement indispensable pour avancer. »

« Nous nous devons de prendre soin de la personne accidenté mais aussi de son entourage sinon, on plante le projet ! ».

« Il existe plusieurs formes de rebond : le travail, le sport, l’engagement (militantisme, associations pour la société) mais aussi, en valorisant ses propres expériences. » 

Des accidents de la route aux tentatives de suicide, ce sont des leçons de vie extraordinaires. Je trouve incroyable que tous ces parcours de vie mènent à la résilience et puissent aboutir au rebondissement nécessaire pour avancer.

Il ressort de nouveau l’importance de la relation à établir avec des personnes qui vivent la même souffrance. C’est un pas vers la résilience, l’acceptation.



                          

                           

Puis, il y a eu les regards éclairés de Boris CYRULNIK, neuropsychiatre et spécialiste de la résilience.


Différents points et/ou pistes ont été évoquées :

-       Ou bien on se soumet (= on se laisse mourir) ou bien on se rebelle (= reprendre un degré de liberté 

-       Échec ou on se remet à se préserver 


-       L’autisme : avant on cachait les enfants, ils mouraient tôt maintenant on en parle, ils meurent plus tard

-       Même quand on se remet à vivre, on garde une trace


-       L’action est un tranquillisant. L’autre vrai tranquillisant c’est la relation 

-       On a des possibilités que notre culture nous as fait oublier pour mieux aller : Culture de sédentaire 


-       Voie de suppléance, pour les personnes qui perdent la vue trouvent d’autres moyens de ressentir 

-       Faire quelque chose de sa blessure


-       Soutien, affectif et sens : bêtises, banalités, invitation à dîner... valeur plus importante 

-       Éprouver le bonheur du sursis : le locataire Polanski


-       Degré de liberté, de responsabilité : choix d’agir, engagement 


Pour conclure, c'est Stéphane Junique, président du groupe VYV, qui a clôturé cette soirée en appuyant des éléments importants évoqués tout au long du débat.

Manuela SEGUINOT

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